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Thread: Une Himp probable épopée Saison 2

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    Default Une Himp probable épopée Saison 2

    <NOUVEL EPISODE TÉLÉCHARGEABLE EN PDF>


    -CHAPITRE VII-

    Les lames semblables à des montagnes liquides s’élevaient, sombres et mortellement, silencieuses, déformant la mer noire et menaçant à chaque instant d’engloutir l’humble embarcation de fortune qui flottait, tel un fétu de paille.
    Zgavier, expert malgré lui dans l’art du naufrage, était parvenu à confectionner un radeau de fortune à l’aide d’un tonneau et de quelques bribes de la galère qui gisait sans doute désormais sur les haut-fonds. Le conquérant y avait hissé son frère, encore tout étourdi de sa mise à l'eau forcée et, serrant les dents, maudissant la mer, avec laquelle, il était écrit qu’il ne ferait jamais bon ménage… Il était également parvenu miraculeusement à sauver du naufrage, comme son plus précieux trésor, l'épée d'acier bleutée qu'il avait solidement arrimée au radeau. Il s'était cependant résigné à se débarrasser de sa cotte de maille qui menaçait par son poids de l'entraîner vers le fond.

    « C'est tout de même malheureux ! Un si beau produit de l'artisanat Cimmérien... »

    Le courant poussait loin du lieu du naufrage leur frêle esquif et cela faisait déjà bien longtemps que Zgavier n’entendait plus les voix fortes et hardies de ses compagnons de rame. Des nuages monstrueux s’amoncelaient dans le ciel, bien décidés à étouffer la moindre lueur astrale susceptible de venir en aide aux naufragés. Le vent se mit à souffler en tempête.
    Himp, prostré, telle la plus pitoyable des descente de lit semblait totalement indifférent aux éléments, tous plus sadiques les uns que les autres et qui avaient décidé de s’unir contre le minable radeau ...
    Le cœur des hommes s’étreint d’universelle façon lorsqu’il est confronté au visage hideux de la mort. Et, tous balbutient les mêmes paroles que la terreur s’amuse à leur inspirer. Et, Zgavier, les cheveux plaqués sur des yeux gonflés de sel, les muscles tétanisés par le froid ne fit pas exception :

    « Par Crom… Si on s’en sort… Je fais la promesse solennelle de faire pénitence... Je ferai un pèlerinage Temple de Tarantia. Je mènerai une vie plus vertueuse... Parole d’Aquilonien, je ne toucherai plus à une femme de petite vertu, je ne boirai plus une goutte d’alc... Heu... quoique... à la réflexion, le pèlerinage pourrait suffire, non ? Je Bloub...  »

    Si les vagues précédentes étaient des montagnes, celle qui venait de submerger l’embarcation était l’équivalent liquide de la montagne de Khoraja. Implacablement, elle noya les dernières paroles de Zgavier (ce qui, il fallait en convenir, n’était pas une grande perte) et balaya de la surface de l’océan toute trace de la galère et de ses infortunés occupants.


    - - -


    Ce matin, la plage de Trabinia, nichée au nord de l'anse d'Agsaluns au, sable dorée et caressée par des vaguelettes aussi transparentes que paresseuses offrait un banquet inespéré pour les huîtriers-pies et autres chevaliers gambettes qui, d'un dandinement affairé fouillaient d'un bec précis ce que la tempête de la nuit avait rejeté sur la grève.
    Une aigrette blanche s'était perchée coquettement sur un petit monticule. Cet emplacement stratégique lui laissait tout loisir de toiser d'un air supérieur les autres échassiers. En outre, l'heureux volatile s'était avisé qu'en grattant les paillettes d'or, le promontoire sur lequel elle était juchée n'était autre qu'une immense réserve de chair brune...
    Mais la fortune de l'oiseau tourna rapidement quand celui-ci hasarda un coup de bec en direction de la manne charnue placée sous ses pattes...
    Sans aucun égard pour la délicate créature, un coup de battoir bien senti envoya valser au loin l'aigrette qui s'en fut non sans vociférer de copieuses insultes en direction de l’opportun. Zgavier s'assit péniblement s'assit sur le sable. Malgré sa peau brune et ses fréquents séjours en des contrées plus arides, le conquérant ne tarda pas à souffrir des morsures du soleil oriental qui dardait de ses rayons les plus vicieux ses larges épaules.
    Crom veille toujours aux plus malins de ses enfants. Aussi, Zgavier eut le bonheur de trouver une outre d’eau claire qui, à défaut de l’abreuver de façon convenable, eut le mérite de tenir écarté de lui le spectre décharné de la déshydratation.

    « Himp... par tous les démons de la Stygie, où te caches tu donc petit frère ? Où as-tu planqué ton museau ? »

    Le soleil, désormais haut dans le ciel, frappa de ses rayons la boucle métallique d’une ceinture. Le regard perçant du conquérant fut immédiatement attiré par l’objet. Quel soulagement de constater que la ceinture faisait le tour d’un corps qui non seulement était complet mais qui était animé du sain mouvement de la respiration ! Quelle joie de reconnaître le dessin ridicule de la boucle en forme de fleur que Himp s’entêtait à porter depuis son adolescence, faisant preuve d’une résistance admirable face à toutes les moqueries et quolibets que la fleur de métal avait attiré sur celui qui la portait !

    « Mon vieux pi... Heu... Himp... Je n’aurais jamais cru être aussi content de revoir ta tête d’érudit ahuri ! »

    Zgavier, secouait son frère autant par affection fraternelle que pour obéir à son vieil instinct d’aventurier qui lui commandait de vider les poches de toute personne inconsciente en sa présence. Le regard vitreux du jeune prêtre rivalisait d’intelligence avec celui d’un bœuf drogué promis à l’abattoir.

    « ...en Ophirien classique, les verbes du troisième groupe doivent être chuchotés de crainte d’appeler la malédiction d'Al'Kiir sur celui qui les prononce... Je.. . »

    La tête de Himp retomba mollement sur le sable, sans que le jeune homme, d’habitude si soigné, ne s’offusque du fait que sa blonde chevelure trempait désormais dans les débris de poissons et les algues puantes qui constituaient la laisse de mer.

    « Ho, c’est pas l’heure de la sieste ! Himp, remue toi ! »

    Peine perdue, le prêtre, aussi confortablement installé que si il avait été blotti dans un recoin douillet d’une des ailes de la bibliothèque de Tarantia, bavait béatement sur la carapace à demi putréfiée d’un crabe de roche. Tentant le tout pour le tout, Zgavier employa les grands moyens afin de tirer son frère de sa léthargie.

    « Himp, tu es le plus minable étudiant que l’Aquilonie a engendré ! Comment peux tu ignorer que ce ne sont pas les verbes du second groupe qui... heu... que... »

    Il y avait deux raisons au subit tarissement du torrent de mots cinglants que le conquérant avait eu l’intention de déverser dans les oreilles (dont les lobes commençaient à rougir sérieusement sous l’effet conjugué du sel et du soleil de midi) de son frère. Tout d’abord il fallait bien le reconnaître, Zgavier, ne possédait absolument aucune notion de paléographie Ophirienne antique, aussi aurait-il été bien en peine de poursuivre dans cette voie. Ensuite, existe-t-il un moyen de continuer à dégoiser comme si de rien n’était alors que, après un petit « plop » aussi saugrenu que soudain, la silhouette translucide et bleutée d’un Archichancelier de Mitra était apparue entre les galets ?
    L’image du vieil homme, dont les pieds flottaient à cinq pouces du sol, semblait observer depuis déjà un bon moment le conquérant, et le sourire hilare de l’homme de foi en disait long sur les velléités de Zgavier à frayer dans les territoires marécageux de l’érudition sauvage.

    « … crr.. Ceci est un message pour le fils de héritier de Mervalène de la famille Montlaurens dont la glorieuse patrie est l'Aquilonie...  »

    D’énormes gouttes de sueur, dont la naissance n’avait rien à voir avec le soleil (lequel pourtant redoublait d’ardeur et de colère face à l’indifférence que lui opposait le conquérant) commencèrent à couler dans le dos de Zgavier.

    «  Hum... des Pictes assoiffés de sang... pas de problème... Un Kraken gigantesque... passe encore... Mais tailler le bout de gras avec un des maîtres érudits de Tarantia ? Et sous la forme dite de l’invocation lointaine en plus ? »


    Depuis sa plus tendre enfance, cela avait bien représenté une épreuve insurmontable pour le conquérant, qui, détournant le regard de l'Archichancelier remettant de l’ordre dans sa longue barbe blanche, secouait furieusement son frère endormi.

    « Himp ! C’est à toi de jouer mon vieux ! Tu peux pas me laisser seul face à l’Archan... face à l’arche... face au barbu tout bleu ! »

    Craintivement, Zgavier jeta un coup d’œil en direction de la silhouette qui avait la fâcheuse tendance à trembloter dès que l’Archichancelier se mettait à bouger.

    « Jamais aimé cette façon de communiquer... Par Crom... Vieil homme.. Si tu voulais me causer... fallait un peu mouiller ta robe ! »

    L’homme leva une main en direction de Zgavier qui vit la bouche bleutée s’agiter sans bruit avant que la voix un peu trop amplifiée de son interlocuteur ne lui parvienne.

    « Et en plus il y a du décalage... Pourvu que le vieux héron n’en rajoute pas avec des phrases à rallonge et des mots qui ressemblent à des mille pattes ! »

    Jetant un dernier coup d’œil désespéré à Himp, dont les talents d’orateur auraient pu 11enfin servir à quelque chose, Zgavier salua le vieil homme.

    « Salut à vous. ! Je me nomme Zgavier, de la maison de Montlaurens. »

    Soit l’opérateur de Tarantia était sacrément mauvais, soit une foule de conférence se tenait dans les environs. Quoiqu’il en soit, le flux était exécrable et Zgavier patienta avant d’entendre la réponse du maître.

    « Zgavier, membre de la fratrie du jeune Himp,... »

    Les craintes concernant le langage alambiqué de l’Archichancelier se virent non seulement confirmées mais solidifiées, voire congelées dans le cerveau tétanisé de Zgavier.

    « … Symboles vivants de la lumière divine de Mitra et de la puissance du feu de Crom, tous deux êtes en charge d’une quête sacrée... Vos pas vous ont mené dans la bonne direction... Mais, du but ultime, mille péripéties vous séparent...  »

    Le bras de l’archichancelier stoppa, figé dans un geste qui airait pu être auguste si l’ensemble n’avait pas été gâché par l’expression de son visage qui s’apparentait de façon troublante avec celle du gourmand qui se réveille au lendemain d’une orgie de pruneaux de Shamar. Zgavier, nerveux, décocha un petit coup de pied au postérieur rebondi de Himp. Si cela n’avait pas eu pour effet de le réveiller, au moins ce petit geste avait procuré un défoulement salutaire au conquérant.

    « Ouvre ton esprit et accueille la seconde partie de la
    prophétie qui nous a été délivrée…  »


    Les méninges à la torture, Zgavier tenta de se montrer digne de la solennité de l’instant.

    « heu.. Ô grand Archichancelier... Mon noble frère et moi même allons nous rendre aux confins d'Hyboria où, tels des chevaliers de lumière, nous combattrons les... heu... forces obscures... qui désirent asservir et corrompre notre monde... Et après... On rentre à la maison, c’est ça ? »

    L’archichancelier se passa la main sur les yeux. Plus il vieillissait et plus il enviait le destin de ses petits camarades devenus de riches marchands ventripotents ou des cadavres à peine moins obèses et qui n’avaient pas sur leurs épaules de telles charges... Il contempla d’un air consterné le malheureux Zgavier qui se tenait face à lui.

    « Bon... Je vais t' la jouer courte : Toi et ton frère vous allez me faire le plaisir de décamper direction le désert de Shem au nord du Styx... Attends un peu avant de filer ! Il faudra passer par la cité de Shumir. Pour récupérer l'un des sept Anticythères. Sans guide, vous n’y parviendrez pas !
    … N’oubliez pas jeunes Zgavier, Himp, vous être notre seul espoir… Plop... Jeunes Zgavier, Himp, vous êtes notre... Plop... »



    - - -


    Rien de tel qu'une bonne friction à l'eau de mer pour faire revenir à la vie un prêtre de Mitra tombé dans les pommes... Himp, copieusement aspergé par son frère, se redressa sur son séant.

    « La galère! Le Kraken... »

    Clignant de s yeux dans la lumière crue et se brûlant les mains en les posant malencontreusement dans le sable que les rayons divins avaient chauffé à blanc toute la matinée, Himp montra une maîtrise et une dignité parfaitement admirables lors de son adaptation sans transition des sombres dangers de l'océan à son séjour sur la grève d'une plage tropicale...

    « Youhou! On est en vie frangin! Mitra soit loué!Tarantia bien aimé, tu verras sous peu revenir vers toi tes fils chéris ! »

    Douchant l'enthousiasme de son frère, Zgavier se fit grave

    « Non pas que je meure d'envie de continuer à risquer ma vie dans une expédition ne comprenant ni trésor à convoiter et ni jolie fille à sauver, mais notre escapade est loin de toucher à sa fin... »

    Face au regard innocent et interrogateur de son frère, le conquérant reprit.

    « Pendant que tu t'offrais gentiment un bain de soleil, j'ai été obligé de me cogner les élucubrations d'un de tes copains chauves en robe bleue.. »

    Si l'effroi avait été une couleur, il est certain qu'il n'aurait pas pu être mieux incarné par celle des prunelles scandalisées du jeune prêtre.

    « Mitra tout puissant... L'archichancelier... T'est donc apparu? Mais... Comment cela est il possible ? »

    « Ben... Tu sais comment ça se passe... Il m'a parlé...
    Je lui ai répondu... Je te jure... J'ai essayé de retenir tout ce qu'il m'a dit, même les mots compliqués que je ne comprenais pas »


    Himp contemplait d'un air dégoûté son frère.

    « Cinq ans! Ils m'ont fait lanterner cinq longues années avant que je ne puisse espérer porter mes humbles salutations respectueuses au Maître! Soit disant que mon initiation n'était pas complète! Et, voici que ce matin... Mon frère... Mon petit frère qui s'est enfui mener une vie de barbare en Cimmérie discute avec l'archichancelier ! »

    Le conquérant contempla d'un œil noir son frère qui gesticulait, inconscient de la furieuse démangeaison qui agitait les énormes poings du conquérant.

    « Pas le temps de discuter de protocole! La route est longue et les délires de ton Archi... Maître auront au moins l'avantage de faire passer le temps ! »

    Laissant derrière eux les douces volutes de sable dorée, le conquérant fiévreux et le prêtre vexé s'enfoncèrent plus loin dans les terres en ce qu'il leur semblait être la bonne direction.
    Le soleil était une boule de feu qui chauffait à blanc un ciel aussi transparent et vaporeux que les voiles des prostituées de Khémi. Le sable moelleux et doré avait peu à peu fait place à une terre rouge et desséchée qui donnait à Himp la désagréable impression de se trouver pile au milieu de l'écuelle démesurée d'un ogre à l'appétit cosmique. Devant lui, évitant avec adresse les touffes hérissées d'épines et de ronces qui palliaient par leur sadisme la peine qu'elles avaient à croître dans cet univers désertique, Zgavier marchait à grands pas.

    « Ton grand prêtre m'a parlé d'un des sept Anti... heu... Cytri.... »

    « Anticythère ! »

    L’interrompit Himp dans un soupir agacé.

    « Ouaip c'est ça, par Crom Qu'avez vous donc les érudits à vous gargariser de sons imprononçables pour un larynx normalement constitué! Si tel est votre unique arme à l'encontre du monde, elle est plutôt pitoyable...  »

    Zgavier ne put s’empêcher de retenir un petit sourire satisfait en contemplant la progression laborieuse de son frère. Décidément, face aux grands espaces dont la sauvagerie et la nature désolée l'enivrait, un citadin tel que Himp ne serait jamais à sa place...
    Une sueur glacée gouttait entre les omoplates du jeune prêtre. Par Mitra... Il avait toujours détesté les créatures qui avançaient sournoisement en glissant, en rampant, en cliquetant... Et depuis qu'il avait quitté la plage, Himp avait eu plus que son content de cobras, scorpions et autres démons en tout genre... Cette façon de se traîner... de pointer une langue fourchue... Dire qu'il avait des détraqués pour trouver ces créatures à leur goût ! Un chien, pas trop gros et amical, voilà qui ressemblait davantage à l'idée que le prêtre se faisait d'un animal de compagnie digne d'affection...

    « Ton maître m'a parlé d'un objet à récupérer dans la cité de Shumir »

    Himp fit un bond précautionneux de côté afin d'éviter le brisbris qui, Mitra sait pourquoi, s’était pris d'affection pour le prêtre maladroit et, le couvant d'un regard adorateur, rampait à ses côtés depuis déjà une bonne lieue.

    « Et où se trouve cette cité ? Je rêve de quitter cet enfer de caillasses rouges où hormis des scorpions et des cailloux, rien ne semble vouloir pousser ! »

    Zgavier, le regard perdu dans la ligne d'horizon qui se confondait avec les canyons dont la teinte ocre contrastait violemment avec l'azur du ciel qui s'assombrissait au fur et à mesure que la journée s'étirait grogna.

    « Je suis peut être trop stupide pour parler avec un grand prêtre et... les mots dont il m'a farci la tête se sont évaporés encore plus vite que le reste de notre provision d'eau que tu as malencontreusement renversé en chemin... Mais je suis encore capable de trouver mon chemin dans cette vaste plaine désertique de Shem... »

    Les ombres du cirque rocheux dans lequel s'était engagées les deux frères s'allongeaient à vue d’œil. Depuis leur naufrage, à l'exception des cobras et des scorpions, ils n'avaient rencontré âme qui vive...
    Zgavier évaluait à plusieurs journées de marche le trajet à parcourir jusqu'à la cité de Shumir dont la route passe entre Akkaria, la ville aux portes d'ivoire et Eruk, farouche citadelle frontalière avec le royaume de Khot.
    L'archichancelier lui avait conseillé de laisser le Styx sur sa droite, ce qui arrangeait bien le conquérant qui n'avait aucune envie de croiser les créanciers Stygiens qui avaient la fâcheuse tendance à réclamer leur dû...
    La nuit violette étendait désormais son manteau au dessus des roches. Zgavier, retrouvant les réflexes de son éducation cimmérienne localisa une anfractuosité susceptible de leur offrir un gîte pour la nuit.

    « Par Crom... La nuit s'annonce plutôt fraîche... Je crois que nous ne risquons rien à allumer un feu... Au boulot Himp, va me ramasser ce bois mort.. »

    Le prêtre traîna les pieds en direction des ombres blanchâtres.

    « Pff... Et c'est à moi de faire les basses besognes...  »
    Zgavier alluma une belle flambée et observa les étoiles qui piquetaient le manteau de la nuit, comme autant de diamants scintillant qu'aucun aventurier ne pourrait jamais décrocher.

    « La lune n'est pas encore levée, petit frère... »

    Himp, rendu d'autant plus maussade qu'il avait l'estomac dans les talons et était pris d'une irrésistible envie de dévorer une tourte aux poivrons du Poitain grogna

    « Elle ne se lèvera pas de sitôt... Tu ne te rappelles donc pas les leçons de notre magister ? »

    Plongé dans ses souvenirs, Himp entendait la douce voix du vieil homme qui patiemment avait enseigné les mystères de l'univers à deux petits garçons, l'un blond et rêveur, l'autre brun et ardent.

    « La Lune est une ancienne disciple de Mitra qui avait reçu pour mission du Dieu de Lumière d'illuminer le domaine de la nuit. L'astre servit fidèlement son dieu jusqu'au jour où elle tomba amoureuse du Soleil, le guerrier de Crom... Nuit après nuit, elle se fit la plus belle pour son amant, gonflant de plus en plus sa robe de lumière et d'argent. Mais sa coquetterie fut sans effet et elle ne put jamais conquérir le cœur du chevalier rouge qui préférait prodiguer ses caresses à la Terre..
    Alors, de chagrin, la Lune abandonna le ciel des hommes, les plongeant dans une ère de sombres terreurs, l'ère de la Lune Noire »


    Zgavier, ébauchant les différents visages de l'astre nocturne dans le sable murmura :

    « Je me souviens... Contemplant le chaos et les cataclysmes engendrés par la fuite de la Lune, Mitra accompagné de Crom est parti dans les Ténèbres à la recherche de la belle disparue...
    A force de cajolerie, les dieux sont parvenus à convaincre la Lune de reprendre sa place parmi les étoiles, d'illuminer les hommes de sa lueur d'argent et de repousser à jamais l'ère de la Lune Noire.
    La Lune accepta en posant une condition : Qu'elle puisse nuit après nuit arrondir son beau manteau de lumière et, ceci fait, quitter le ciel pour partager une nuit avec son bien aimé...
    Mais les dieux avaient sous estimé la jalousie de la Terre... L'horrible mégère n'acceptait pas de partager son chevalier, ne serait ce qu'une nuit par mois...
    Aussi, à chaque fois que le soleil s'éloigne un peu trop d'elle, la Terre évoque l'ère de la Lune Noire... Engloutissant dans son manteau de ténèbres la lune ronde. La jalouse souille de sang le blanc manteau de la lune... Et ceci fait, elle plonge les hommes dans les affres de la Lune Noire »


    Songeur, le conquérant resta un long moment sans parler, attisant les braises rougeoyantes du foyer, créant tout un peuple d'ombres dansantes sur les parois rocheuses.

    « Y a pas à dire. Les gonzesses entre elles... je connais rien de plus mauvais.... »

    Les ténèbres étendaient insidieusement leurs silhouettes sombres autour des deux frères... Les ombres grandissaient et transformaient les rochers en autant de monstres aussi difformes que silencieux. Himp fixait les derniers charbons ardents dont les lueurs renforçaient plus qu'elles ne repoussaient l'obscurité qui les enlaçait.

    « J'ai toujours cru que l'ère de la Lune Noire n'était qu'une fable pour effrayer les petits enfants... les hommes sur la galère m'ont rapporté les horreurs innommables que la dernière Lune Noire avait engendrées. Et l'Archichancelier a clairement mentionné la prochaine comme un terrible présage... »

    Zgavier scruta avec appréhension la voûte étoilée qui lui parut soudain beaucoup moins inoffensive..

    « Je ne sais pas pourquoi mais je ressens subitement le besoin de savoir quand cette fichue Lune nous jouera son mauvais tour... »

    Himp, jetant un regard mauvais au brisbris qui s'était endormi non loin du feu, ignorant superbement les malédictions proférées par le prêtre, s'allongea sur le sol caillouteux.

    « C'est pour cela que l'archichancelier souhaite que nous nous procurions l'un des sept Anticythères d'Hyboria. Avec un tel instrument, il nous sera possible d'étudier les phases de la douce dame des nuits et établir la date de la prochaine Lune noire... »

    Himp sentait ses paupières alourdies de sommeil se fermer malgré lui... Il était si fatigué qu'il sentait que les rochers les plus durs seraient pour lui la couche la plus confortable qui soit...
    De très loin, les échos de la voix du conquérant lui parvinrent.
    La lassitude du prêtre était si grande que même la voix grondante de Zgavier agissait comme une berceuse à ses oreilles...
    Il fallait accomplir un effort immense pour donner du sens aux inflexions graves...

    « Je propose que l'on établisse des tours de garde... C'est toi qui commence !»

    Les rétines desséchées de Himp contemplèrent rageusement le large dos de Zgavier qui ronflait déjà comme un bienheureux.


    - - -


    ...A SUIVRE...
    La ballade de Himp

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  2. #2

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    -CHAPITRE VIII-

    Les lueurs de l'aube naissante chatouillaient la peau cuivrée de Zgavier avec autant d'agilité que les doigts des courtisanes les plus habiles de Zingara. Avec souplesse, le conquérant s'arracha à la douce torpeur qui avait précédé son réveil se leva d'un bond et contempla le panorama magnifique et désolé qui s'offrait à lui. La boule déjà incandescente du soleil enflammait l'horizon et teintait d'une lueur sanguine les canyons et les cirques de calcaire qui s'étendaient à perte de vue.
    A l'exception de son frère ronflant pelotonné dans sa cape et de l'étrange petit reptile qui s'était familièrement assoupi sur les bottes de Himp, les deux Aquiloniens étaient seuls au milieu de cet univers pétrifié aux nuances pourpres.
    Le conquérant se sentait d'humeur badine et enclin à la taquinerie. Zgavier décocha un affectueux coup de bottes à son frère aîné, susurrant :
    « Messire Himp! Votre collation matinale est servi ! »
    Le jeune prêtre de Mitra, dont la vivacité d'esprit matinale n'était précisément pas le point fort, ne sembla pas goûter la plaisanterie. Grognant :
    « Que Mitra me pardonne, mais je serai capable de tuer pour une tasse de chicorée fumante et bien épicée ! »
    Le ventre creux, un brisbris délirant d'affection sur les talons, Himp se leva avec difficulté.
    « Ces fichues pierres rouges n'ont pas arrangé l'état de mes pauvres lombaires... »
    Mais, sans compassions aucune pour les malheurs de son frère, la silhouette élancée de Zgavier se propulsait déjà avec adresse à l'assaut de la longue journée de marche qui les attendait. Jetant un regard mauvais en direction du ciel qui affichait avec insolence un azur dépourvu du moindre petit nuage, Himp traîna les pieds à la suite du conquérant qui avait pris la direction de la cité de Shumir. Combien alors l'accueillante auberge qui jouxtait l'université de Tarantia semblait lointaine à Himp! Contemplant avec désapprobation l'épaisse couche de poussière rougeâtre qui recouvrait ses délicates bottes en cuir d'Ophir, le jeune homme sentit monter en lui une puissante vague de nostalgie. Afin de décharger un peu son cœur blessé du lourd fardeau de la mélancolie, le prêtre se confia au seul être qui semblait véritablement se soucier de lui.
    En l’occurrence, le brisbris, dont les yeux globuleux le contemplait avec une affection que jamais son vaurien de frère ne lui avait témoigné...
    « Parole de Himp, je suis très flatté que l'archichancelier ait daigné faire appel à moi afin d'accomplir une telle tâche... Cependant, j'imaginais que des repas convenables seraient assurés à horaires réguliers, et je ne parle pas de la qualité du couchage... »
    Scrutant le large dos de Zgavier qui avançait avec enthousiasme en beuglant une chanson traditionnelle cimmérienne dont le champ lexical principal se rapportait à la boisson, aux massacres avec une variante sur la thématique du pillage,
    « Je suis aussi vaillant et courageux que mon frère, maman me l'a assez dit... Seulement, j'ai besoin de stabilité et de repères...  Qu'on m'accorde un bon bain chaud, une solide platée de larves revigorantes et on verra qui de nous deux trottera le plus longtemps !»
    Perché sur un piton calcaire, Zgavier contemplait avec un rictus moqueur la progression laborieuse et fulminante de son frère.
    « J'ai repéré au loin de ces plantes grasses dont le roi Conan compare la chair avec celle des poires les plus juteuses de Némédie ! Je suis convaincu que ton estomac rempli rendra ta compagnie plus agréable ! »
    Se coulant nonchalamment jusqu'à la manne végétale que leur offrait cette nature hostile, Zgavier s'interrogea :
    « Une fois parvenu à Shumir, comment allons nous récupérer ton anta... ton anticiterne ? J’espère que tu sais au moins à quoi ça ressemble ! »
    Himp leva un regard sévère en direction de son frère.
    « Je me flatte, mon cher Zgavier d'en savoir plus long sur les anthères que la plupart des érudits d'Hyboria ! Sache que 7 de ces ingénieux mécanismes sont répartis à travers tout l'univers civilisé et que chacun est conservé soigneusement sous la garde d'un détachement des Murmures Condamnés. »
    Zgavier, qui tranchait allègrement des tranches épaisses et poisseuses du fruit préféré du roi Conan stoppa son geste.
    « Les Murmures Condamnés ? Tu ne veux quand même pas parler de la confrérie des sans visage, ces hommes apatrides dont nul n'a jamais entendu la voix ? Par Crom ! Je croyais que ça n'était qu'une légende !Comment un érudit tel que toi peut-il accorder du crédit à de telles fables ? »
    Le visage du conquérant se fit livide sous son hâle.
    « ...non parce que... des hommes dont on ne sait rien... qui apparaissent aux périodes les plus troubles des âges de l'homme comme des charognards de mauvais augure... qui ont fait vœu de silence, de ne jamais interagir dans les affaires des hommes... Quand bien même il s'agirait de leur propre peuple....Par les cornes de Yaremka , j'ai un peu de mal à adhérer au concept... Cela ne peut être que des sornettes que les servantes se racontent entre elles. Pas vrai ? »
    Ignorant le regard presque suppliant de son petit frère, Himp reprit.
    « La confrérie des Murmures Condamnés a fait vœu de silence et de non ingérence, mais elle existe bel et bien! Ne sous estime pas le rôle primordial que ses membres jouent au sein de notre univers ! »
    Croquant une bouchée savoureuse de la poire du désert, le jeune prêtre reprit.
    « Je ne pourrai t'en dire plus sur les devoirs qui incombent aux Murmures Condamnés car, n'étant qu' aspirant-prêtre du premier cercle... (même si l'ensemble de mes instructeurs s'accordent à dire que je suis plutôt brillant) je ne suis pas encore initié à ces mystères... Néanmoins, je sais que la conservation des anticythères leur incombe et qu'il nous faudra parvenir jusqu'à leur Étude afin de se faire remettre celui qui nous permettra de réaliser la prophétie... »
    Zgavier hocha la tête.
    « Par Crom ! C'est étonnant comme la moindre péripétie devient mystique à tes côtés! »
    Le conquérant contempla tristement l'épée ouvragée qui pendouillait de façon pitoyable à ses côtés.
    « Quelle tristesse de de laisser rouiller ainsi le fil d'une si belle lame...Toi, mon vieux Himp, tu auras au moins le plaisir de m'en mettre plein la vue avec ton anthère... J'imagine que tu maîtrises parfaitement les arcanes et manipulations d'un tel mécanisme.. »
    Le morceau de fruit du désert que Himp tentait de se glisser dans le gosier fut brutalement éjecté avec forces râles et éructations qui, pour le coup, n'avaient rien de maîtrisé. En sueur, le visage aussi rouge que les défilés rocheux dans lesquels les fils de Mervalène évoluaient, Himp tenta de se redonner une contenance.
    « Il est évident que je sais tout ce qu'il a à savoir sur la théorie des anticythères... Leur histoire, les utilisations les plus célèbres qui en ont été faites n'ont absolument aucun secret pour moi! Je ne suis pas peu fier de te confier l'honneur qui m'a été fait.., Rend toi compte, il m'a été accordé, malgré mon jeune âge, d'être initié aux raisons qui poussèrent cette confrérie à veiller à ce que les 7 anticythères ne soient plus jamais réunis car... il en va de la survie même de notre monde ! »
    A la grande déception de Himp, Zgavier, qui se curait consciencieusement les dents (la poire du désert, est un aliment savoureux et nutritif mais présente néanmoins le désavantage d'être abondamment pourvu en minuscules pépins qui n'aiment rien tant que de se glisser entre les interstices des mandibules des voyageurs . Zgavier, en aventurier expérimenté ne sous estimait pas le pouvoir pernicieux de ces graines qui pouvaient, si on ne prenait pas la peine de les déloger de présenter un danger aussi implacable et mortel qu'une horde de Vanirs surexcités lâchés en pleine campagne du Poitain) ne sembla pas intéressé le moins du monde par les récits de Himp.
    « C'est tout de même étrange..Avant de te retrouver, je ne m'étais jamais aperçu des dangers qui menacent notre brave vieille Hyboria... Sans doute parce que j'étais trop occupé à sauver ma peau... C'est bête, mais j'ai la faiblesse d'y tenir et du coup, j'ai tendance à occulter le reste... Bon alors, comment il fonctionne ton outil à citoire ? »
    Himp se racla la gorge (sans doute un pépin mal placé...)
    « Certes, je me flatte d'en savoir davantage que la plupart des prêtres de mon rang concernant ces artefacts légendaires... Maintenant, ce serait m'avancer quelque peu que de dire que j'excelle dans la manipulation de ces outils de haute précision... »
    Zgavier leva un sourcil.
    « Par Crom ! Malgré ta tête farcie de tout un fatras inutile, tu ne sais donc pas te servir d'un anticytoire ?» 
    Renonçant à expliquer l'importance des actes du passé à un barbare dont la philosophie s'arrêtait aux principes de base de survie de tout barbare qui se respecte (une bonne lame à la main, une bonne ale dans l'autre et une belle pas trop farouche sur les genoux), Himp, rétorqua avec hauteur.
    « Mon éducation et mes grandes qualités intellectuelles m'aideront à identifier sans peine aucune l'anticythère quand je le verrai... Et Mitra insufflera en moi son inspiration pour parvenir à utiliser comme il se doit ce merveilleux mécanisme, ami des érudits ! »
    Le conquérant gronda :
    « Parce que tu ne sais même pas à quoi ça ressemble! Crom tout puissant, que t'ai je fait pour que tu m'affliges d'un tel boulet en guise de frère !»
    Himp, époussetant sa cape dans un mouvement qui contribua à rajouter davantage de grain de calcaire que d'en éliminer, se redressa. Bougonnant. :
    « Ce n'est tout de même pas de ma faute si je souffrais de dysenterie aiguë le jour des travaux pratiques ! »
    Ce fut dans une ambiance qui ressemblait à tout sauf à de la franche camaraderie que les frères poursuivirent leur périple. Le bivouac du soir fut absolument silencieux, à l'exception des grincements de dents de Himp qui avait eu l'infortune de faire tomber sa portion de fruit du désert dans le sable. Sans un mot, les tours de garde se succédèrent jusqu'à un petit matin blafard.
    Le brisbris, animal de nature très sensible, ne tarda pas à souffrir de cette mauvaise humeur ambiante. Ses gros yeux globuleux se remplissaient de larmes qu'aucun des frères ne semblait remarquer. Cette indifférence blessa encore plus la malheureuse créature que les petits coups de pied vicieux que lui glissait en traître Himp à chaque fois que l'affectueux reptile s'approchait du jeune homme, en quête d'un geste ami. Cette âme bien trop sensible pour sa condition de répugnante créature rampante se résigna alors, la mort dans l'âme à ne plus suivre que de loin cet homme blond qui avait su éveiller dans son cœur de reptile quantité de sentiments insoupçonnés et désormais douloureux. Résignée, l'humble créature prit soin de cheminer hors de la vue de ces deux ingrats qui semblaient décidés à ne faire que des monologues rageurs que les rochers ne prenaient pas la peine d'écouter. Nul doute que Mitra prit en pitié le brisbris éploré, écartant de lui les becs voraces des vautours, lui insufflant le courage de vaincre la terreur que les effluves de Shumir lui inspirait afin de suivre celui à qui son destin était lié...
    A mille lieux de se soucier du sort de leur compagnon à écaille, Himp et Zgavier poursuivaient leur pérégrinations, mâchonnant des plantes du désert aussi aigres que leur rancune, accomplissant l'exploit de rendre ce voyage interminable plus long encore...
    Les heures passaient comme des journées, les journées s'écoulaient semblables à des semaines. La Lune, fidèle à la légende, arrondissait chaque nuit son blanc manteau, inspirant une crainte jumelle dans le cœur des deux frères qui malgré leurs terreurs communes s'entêtaient à ne pas s'adresser la parole. Par un après midi encore plus morose que les précédents, où les seuls bruits que les aquiloniens avaient entendu étaient les vociférations déprimante des vautours qui formaient un cercle aussi parfait qu'inamical au dessus de leur tête, la petite cité de Shumir leur apparut en contrebas, blottie au creux d'un cirque de pierres monumentales et purpurines.
    Les lèvres craquelées de Himp se fissurèrent en un sourire de soulagement à la vue des modestes remparts de terre ocre plus accueillants que dissuasifs.
    « Mitra soit loué ! Nous avons enfin regagné la civilisation ! Mon cher frère ! Je te propose de laisser dans les sables du désert nos griefs et de nous réjouir de la fin de nos épreuves!Zgavier ?Zgavier ! »
    Le dit Zgavier n'avait aucune envie de rajouter aux tourments du désert le supplice d'un sermon annoncé par son frère. Il n'y avait qu'une alternative afin de couper court au déluge verbal qui s'annonçait : Avoir recours à la poudre d'escampette dans les meilleurs délais. Contemplant avec réprobation la colonne de fumée soulevée par la course délirante du conquérant qui braillait à plein poumon la ballade de « Vania, la Pouilleuse au grand coeur », le jeune prêtre se décida à suivre le chemin désordonné de son frère.
    « Que le Seigneur de Lumière inspire à Zgavier une conduite digne et respectable... »
    Les bourrasques de vent rapportaient aux oreilles du prêtre les paroles paillardes qui rythmaient la cavalcade du conquérant.
    « Quoique... Mitra.. Je ne peux pas me permettre de te demander ce qui est du ressort de l'impossible... Si au moins cet âne qui me sert de frère consentait à ne pas trop se couvrir de ridicule dans les prochaines heures... Cela suffirait à mon bonheur immédiat ! »
    Le soleil déclinant teintait de nuances dorées et pourpre les murailles de terre de la cité de Shumir. Entre Zgavier et la perspective de désensabler sa gorge à grands renforts de chopines bien remplies, il n'y avait pas 300 pieds. Le conquérant pouvait déjà sentir l'odeur désaltérante du houblon fermenté.
    Mais... Que pouvait donc bien être cette tornade de sable rouge qui venait à la rencontre du conquérant ? Quelle était donc cette chose suffisamment inconsciente pour faire obstacle à un Zgavier prêt à tout pour étancher sa soif ?
    Le plus jeune fils de Mervalène sourit en s'approchant du phénomène. Dégainant sa lame :
    « Un peu de sport de combat en guise d'apéro ne me fera pas de mal ! »
    Himp grimaça. Il avait pu observer la formation du nuage de sable à mesure que Zgavier se rapprochait de la cité dont les fortifications et système de défense brillaient par leur absence... Le conquérant, uniquement préoccupé du niveau d'hygrométrie de son organisme n'avait pas même prêté attention à la forme monstrueuse que les grains de sable s'appliquaient à former. Ainsi, les anciens corsaires aquiloniens, qui avaient bourlingué un peu partout sur les vastes terres d'Hyboria ne mentaient pas... Elles étaient bien réelles ces cités d'apparence paisible qui avaient recours aux formes de magie les plus anciennes et les plus énigmatiques pour se garder des étrangers, ne faisant pas de différence entre les érudits pacifiques et épuisés et les pillards bravache et décérébrés.
    «Par Mitra tout puissant ! Cet inconscient croit vraiment venir à bout d'un esprit du désert armé de sa simple épée ! »
    Himp dégringola plus qu'il ne parcourut la pente sableuse qui le séparait de son frère.
    « Vu son comportement passé, il ne mériterait vraiment pas que je l'aide... Mais je ne laisserais pas à un « djinn » aussi puissant soit-il le plaisir de botter les fesses à mon petit frère ! C'est à moi seul que revient ce plaisir ! »
    Sans prévenir, la tornade de sable avait gonflé et s'était jeté avec violence sur Zgavier qui se retrouvait désormais empêtré dans un cauchemar de grains de mica dont chacun le blessait aussi cruellement que mille frelons des Royaumes Noirs. En posture de défense, les yeux à demi ouverts, le conquérant tentait de localiser l'origine de la respiration monstrueuse qui résonnait dans le nuage de sable. Mais il n'y avait rien... Rien d'autre que les gifles du sable... Malgré sa bravoure, Zgavier sentait ses forces diminuer.
    « J'ai l'impression que je vais devoir remettre mon projet de visite de taverne à plus tard... »
    La tornade de sable avait grossi depuis qu'elle s'était emparé de Zgavier. Elle donnait l'impression d'être douée d'une vie propre et d'être tout à fait décidée à digérer vivant son malheureux prisonnier. Et juste derrière, paisible et sereine, les humbles murailles de Shumir s'élevaient, insensibles au drame qui se jouaient à leurs pieds. Himp chassa énergiquement la terreur qui tentait, de façon fort inopportune, de congeler son être à la vue de la multitude des volutes de sable qui commençaient à s'élever autour de lui au fur et à mesure qu'il se rapprochait de son frère enseveli vivant. Sans trop réfléchir à ce qu'il faisait, Himp projeta vers son frère l'énergie guérisseuse qui pulsait en lui en vague de vie. Perdu au milieu de la tornade, Zgavier sentit soudain ses forces refluer en lui Ouvrant les yeux, il croisa un regard rouge comme deux charbons ardents.
    « Salut à toi, face de litière pour chat ! Tu seras ravi d'apprendre que je suis en bien meilleure forme pour me consacrer à toi ! Un petit carnage te conviendrait-il ?»
    Himp ne parvenait pas à distinguer Zgavier et ignorait ses ses soins avaient été efficaces. Face à cette puissance occulte qui semblait se rire de lui, le prêtre de Mitra se sentit envahi d'une sainte réprobation.
    « On n'a pas fait toute cette route pour se faire arrêter par un tas de sable qui ne sait pas se tenir en place ! »
    Le prêtre, malgré sa confusion et son inexpérience se concentra et envoya telle une lance l'énergie divine qui irradia de sa poitrine en direction de la créature maléfique. Le conquérant fut traversé par la colonne de lumière bleutée
    « Je sais pas ce que c'est, mais je ne me suis jamais aussi senti en forme, moi ! »
    Le fantôme aux yeux incandescent fut également touché de plein fouet. Mais sa nature occulte n'apprécia guère la déflagration de puissance sacrée qui lui avait été infligée. Blessé mortellement par les actions combinés des deux frères, le djinn ne put que lever des yeux suppliants en direction du conquérant qui animé d'une frénésie meurtrière se défoula en un déluge de coups furieux sur la créature qui avait imaginé l'empêcher d'aller s'en jeter un derrière les murailles de Shumir. Abaissant sa lame avec un sourire carnassier, Zgavier acheva le démon qui, désormais débarrassé de son voile de poussière ressemblait désormais à un grand singe chauve et dégingandé.
    « Le roi Conan n'a décidément pas tort! Une lame bien aiguisée est en définitive le meilleur contre-sort qu'un honnête homme puisse employer ! »
    Himp masqua son soulagement en voyant son frère réapparaître debout et triomphant, la pitoyable créature simiesque à ses pieds.
    « Tu veux pas qu'on cherches si on en trouves d'autres à dérouiller ? A nous deux, on leur cause de sacrés dégâts ! »
    Le prêtre de Mitra, qui avait vécu les événements dans un brouillard cauchemardesque contempla avec appréhension le sable désormais immobile.
    « Zgavier, je suis toujours étonné par cette faculté que tu as de toujours me surprendre... A chaque fois que je crois que tu as atteint le niveau zéro de l'humour, qu'il n'est humainement pas possible de faire plus abject, tu parviens toujours à faire reculer les frontières du mauvais goût ! »
    Un large sourire s'étala sur le visage hilare du conquérant.
    « J'ai pas tout compris, mais merci du compliment, frangin ! J 'espère que les habitants de cette jolie cité accueillante partageront mes goûts en matière de plaisanterie fine ! »

    - - -
    La ballade de Himp

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  3. #3

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    Himp regarda par dessus l'épaule massive du conquérant. Mitra tout puissant ! Avec tout ça, il en avait complètement oublié l'existence de Shumir ! Il était temps pour le jeune prêtre de réviser ses rudiments de shémite car une délégation s'avançait d'un pas un peu trop décidé vers les deux frères... Alors que les deux frères aquiloniens faisaient la rencontre plutôt épique du gardien de sable de la cité de Shumir, les larges portes de bois sombres ornées de motifs de cuivre aux formes serpentines s'étaient ouvertes. Quittant l'abri des mur de terre ocre dont seules quelques poutres de bois délavé par les ardeurs du soleil semblaient en garantir une solidité très relative, une délégation composée d'une dizaine de notables escortée du double d'hommes en arme s'avançait majestueusement en direction de Himp et Zgavier. Himp, immobile jeta un regard de détresse en direction de son frère.
    « Au nom de Mitra, je t'en conjure... »
    Zgavier, bombant le torse, faisant rouler ses muscles, bref ayant tout de Croupion le célèbre coq de concours sourit d'un air condescendant.
    « Hé bien frangin, qu'est ce qui te paniques autant ? Tu oublies que tu n'es pas seul pour affronter ces bouffeurs du désert ! »
    Tressaillant en entendant les propos fort peu diplomatiques de Zgavier, Himp marmonna
    « Hé bien, justement, c'est cela qui m'inquiète... »
    Enjambant comme si il ne s'agissait que d'un obstacle sans importance la dépouille du djinn, l'homme de tête marcha avec toute la solennité que son poids imposant et la nature traîtresse du sable le lui permettaient.
    « Par Crom ! Jamais vu un homme aussi gras ! Bronzé comme il est il a tout du cochon grillé !Ça lui réussit plutôt le régime du désert ! Aouch ! »
    Himp frotta précautionneusement le coude désormais endolori qu'il venait d'enfoncer dans la plaque d'acier qui constituait les abdominaux de son frère.
    « Si tu possédais un brin de malice, tu aurais remarqué la tunique émeraude brodée d'or ainsi que la mince couronne vermeille qui distinguent les échevins de cette région ! Regarde la façon dont il soigne sa barbe et tresse ses longs cheveux...Je parie qu'il a accompli une partie de ses études à Tarantia ! »
    Maussade, Zgavier observait la cohorte de bons vivants aux peaux cuivrés et aux tenues soignées qui les toisaient, bien à l'abri de leur escorte.
    « Et qu'est ce que cela peut bien me faire ? »
    Le regard de Himp était aussi incandescent que celui du djinn avant qu'il ne fasse la rencontre des fils de Mervalène.
    « Ho, mais c'est tout simple... Cela fait qu'à compter de maintenant tu domptes la limace qui te sert de langue et tu te tais ! »
    Les soldats aux casques étincelants et dont la musculature évoquaient des chaînes de montagnes formaient une allée plutôt impressionnante de part et d'autres des notables de Shumir. Attrapant la main de Zgavier, Himp força son frère à ployer le genou et à saluer la délégation. Rassemblant les morceaux épars de ses souvenirs de langue orientales, le prêtre bredouilla.
    « Ô , puissants seigneurs du dessert...Veuillez accepter nos hommes mages... »
    Les rires étouffés provenant de la troupe de shumiriens et qui gagnait ce traître de Zgavier ne contribuèrent guère à aider le vaillant Himp.
    « Mes souvenances de votre langue sont anciennes.. Je m'en excuse.. »
    L'échevin, dissimulant un sourire un peu trop goguenard au goût de Zgavier leva une main replète chargée de bagues.
    « Bienvenue sur la terre de Shumir jeunes gens... Je me nomme At-Chû, je suis l'échevin consul de cette humble cité... Malgré votre aspect plutôt pitoyable, vous avez tout d'un gentilhomme de la lointaine Aquilonie... J'ai passé ma jeunesse dans la cité de Tarantia, aussi, je vous propose d'utiliser votre langue natale... »
    Himp se releva.
    « Nous vous remercions de votre sollicitude...Votre bienveillance à notre égard souffrirait-elle de nous accorder l'hospitalité ? »
    Les yeux en amande d'At-Chû s’étrécirent.
    « Vous avez fait preuve de la pureté de vos intentions en venant à bout de l'émanation sacrilège formé par notre djinn.. Les portes de Shumir la cuivrée vous sont ouvertes.. »
    Les bottes traînant dans le sable, tâchant de ne pas marcher sur les capes richement ornées de leurs hôtes, Himp et Zgavier pénétrèrent enfin dans la cité des sables. L'atmosphère de ruche bourdonnante et industrieuse ne manqua pas de changer les deux frères, habitués au silence et aux grands espaces du désert. Il sembla à Zgavier que la population de la ville était constitué principalement de scribes qui évoluaient tous du même pas rapide et professionnel, se rendant d'un bâtiment à l'autre, la main perpétuellement cramponnée à un boulier ou à un rouleau de papyrus . Ça et là, terrorisés par cette armée d'hommes aux visages sombres, inexpressifs et affairés, le cimmérien d'adoption devina des petits groupes de nomades et d'étrangers qui n'osaient se glisser dans le flux de la circulation trépidante des scribes, de peur d'être entraîné par la force du courant dans la direction opposée à celle qu'ils tentaient de suivre depuis déjà quelques heures... Se rapprochant de Himp, Zgavier s'engagea dans le dédale de ruelles étroites dont les angles droits épousaient les formes rectangulaires des bâtiments de terre battue. Sans même jeter un coup d’œil à la cohorte des notables qui s'avançait avec une lenteur majestueuse, les scribes s'éloignaient de leur chemin avec la vélocité d'un troupeau de daim flairant un Warg affamé.
    A l'extrémité Est de Shumir, sis sur un promontoire de calcaire abricot, se dressait le palais de l'échevin At-Chû. A l'opposé des humbles bâtisses de terre à un étage, l'édifice était taillé dans la pierre et dressait sa tour recouverte d'une coupole bien au dessus de la cité. Les moucharabiehs formaient une dentelles de bois et de métal par lesquelles les concubines de l'échevin pouvaient contempler la ville sans prendre le risque d'être vues. Les précieuses portes à double battants, ornées du même motif reptilien que le prêtre avait observé sur le portail de la cité, s'entrouvrirent doucement. At-Chû, entra dans un péristyle de marbre que rafraîchissant une fontaine ornée de mosaïques. Des palmiers et des plantes rapportées à grands frais des périples de jeunesse de l'échevin achevaient la décoration somptueuse de ce jardin privé.
    D'un geste, At-Chû congédia les notables ainsi qu'une partie de sa garnison, ne conservant que deux soldats à ses côtés. L'échevin frappa ensuite des mains. Ce signal fut suffisant pour déclencher une activité frénétique et silencieuse parmi un peuple de serviteurs qui ressemblaient trait pour trait aux scribes qui hantaient les rues de Shumir. Himp soupira de bien être.
    « Ô estimé échevin, ce retour à la civilisation et aux bonnes manières est délectable, nous vous remercions sincèrement de votre accueil »
    Discrètement, Himp chuchota en direction de son frère.
    « Ce n'est certainement pas le moment de se distinguer ! Repose tout de suite ce rince-doigt que tu portais à ta bouche, et fais moi le plaisir de restituer la cuillère en or que tu viens de subtiliser ! »
    Offrant son sourire le plus lumineux au premier magistrat de Shumir, le jeune prêtre reprit.
    « Permettez moi, Ô distingué At-Chû de vous exposer les raisons qui poussèrent deux jeunes aquiloniens si loin de leur patrie... »
    S'emparant d'une délicate coupe du plus précieux vin de Némédie, l'échevin s'emplit (si cela était encore possible,) d'aise :
    « Faites, cher invité, je suis curieux de vous entendre conter votre épopée... »
    Bercé par la voix du jeune prêtre, At-Chû sentit son cœur empli d'une délicieuse mélancolie à l'évocation de Tarantia, théâtre de ses plus belles années. Comment s'appelait elle déjà cette taverne située dans les quartiers nobles ? L'échevin avait beau en revoir les détails des fresques qui avaient bercé ses torpeurs éthyliques, il lui était impossible de se remémorer le nom de l'auberge, et pas plus celui du bel éphèbe qui avait englouti une bonne partie de la dot que ses parents lui faisaient parvenir ... Couvant d'un regard mouillé les épaules luisantes de Zgavier, At-Chû écouta d'une oreille distraite le discours ampoulé du prêtre.
    « ...et c'est pour cette raison que je sollicite de votre haute sagesse, le privilège de me faire remettre l'anticythère que votre cité conserve en ses murs... »
    S'arrachant à regret de la contemplation nostalgique dans laquelle Zgavier l'avait plongé, l'échevin secoua la tête.
    « Cher Himp, mes vœux accompagnent le succès de votre quête. Cependant, je n'ai pas le pouvoir nécessaire pour accéder à votre requête.. »
    Confortablement installé dans un chaise longue ornée de brocards de soie du Paikang, At-Chû réajusta sa couronne d'or.
    « Je ne suis que l'humble régisseur de cette cité...Vous m'accordez bien plus de pouvoir que j'en n'ai... Le bon fonctionnement quotidien de Shumir, voilà la charge qui incombent à mes modestes épaules... Si vous désirez en savoir plus sur les anticythères, je ne puis que vous conseiller à vous rendre à l'OSS. »
    Zgavier leva un sourcil interloqué.
    « Par Crom, à quelle divinité appartient un nom aussi incongru ? »
    At-Chû se posa une main caressante sur le genou musculeux du conquérant.
    « Votre naïveté est des plus rafraîchissantes cher enfant... L'OSS est l’abréviation par laquelle nous désignons l'Office des Souhaits en Souffrance... »
    Himp se leva d'un bond.
    « Que Mitra vous bénisse de votre mansuétude ! Nous nous y rendons immédiatement ! »
    Nonchalamment, At-Chû considéra l'horloge solaire de cuivre qui trônait au dessus de la fontaine.
    « Je vous suggère d'agir promptement, les scribes de l'OSS ont pour habitude de ne plus enregistrer de nouvelles requêtes d'ici 40 minutes...Un de mes serviteurs vous accompagnera. Le quartier administratif de Shumir est extrêmement tortueux et, en outre, il est impossible pour un novice de distinguer un office de l'autre sans carte. »
    « Nous ne vous remercierons jamais assez de votre aide bienveillante... Zgavier, lâche cette coupe et lève toi ! »
    Accompagnant les deux Aquiloniens jusqu'à la porte de son palais, At-Chû ne put s’empêcher de passer un doigt appréciateur sur le biceps du conquérant.
    « Cela vous plairait-il d'attendre le retour de votre frère dans mes appartements ? »
    Zgavier connaissait une seule façon de répondre de façon approprié à la caresse poisseuse et aux yeux gourmands de l'échevin... Oui, mais son frère avait été catégorique, le succès de leur mission dépendait de leur discrétion... Et Zgavier n'était pas sûr que le prêtre lui pardonne la façon dont il entendait répondre à cet ignoble cochon trop cuit, tout notable fut-il.
    « Cher Zgavier, nous ne serons pas trop de deux pour cette expédition, mais sachez, ô lumière de Shumir, que le souvenir de vos bienfaits resteront gravés dans nos cœurs. »
    Une fois les portes du palais refermées derrière eux, le conquérant se tourna vers le prêtre.
    « Par Crom, ta langue est encore plus écœurante que le nectar des Barracas ! Cette grosse outre dépravée va éclater avec tout le miel que tu lui as fait ingurgiter!Je t'en ficherai, moi des lumières de Shumir... »
    Emboîtant le pas du serviteur qui s'était coulé habilement dans le flot des scribes, le prêtre observa malicieusement.
    « Il est vrai que ton silence a été plus efficace pour te gagner les faveurs d'At-Chû... Il s'agit d'une conquête dont tu peux être fier, mon cher Zgavier ! »
    A la manière du troupeau de gnous suivant de façon aveugle leur bouvier, Himp et Zgavier, se frayaient tant bien que mal un passage derrière leur guide pour qui le dédale de rues ne semblait pas représenter le moindre obstacle. Zgavier, ses sens de pisteur aux aguets, tentait d'identifier des points de repères et d'édifier une carte mentale de la cité.
    « Par Crom ! Le gros dépravé n'avait pas menti ! Il est impossible de distinguer un bâtiment d'un autre... Sans compter que cette foule de scribes qui ont l'air de ne prendre du plaisir que lors d'une séance de torture aurait de quoi donner des vapeurs à n'importe qui... Heureusement que je suis de bonne constitution ! »
    Himp, convoquait ses rudiments de shémite afin d'avoir une chance de saisir le sens du flot monocorde dont l'agent de At-Chû l'abreuvait depuis leur départ.
    « Certes, cher ami... Ne pourriez vous point ralentir le débit de vos propos... J'ai peur d'avoir mal compris vos dernières phrases...Vous n'avez tout de même pas évoqué la façon dont certains crustacés minuscules pouvaient entrer en contact avec votre intimité, n'est ce pas ? »
    Le fonctionnaire ne prit pas la peine de répondre au jeune prêtre. Son regard brûlant fut éloquent.
    « Il me semblait bien aussi qu'il s'agissait d'un sujet un peu trop trivial, indigne de votre rang ! »
    Enfin, sans qu'aucun signe annonciateur ne l'ait présagé, le guide s'arrêta devant la porte d'une bâtisse semblable aux mille autres ayant défilées devant leur yeux. Après avoir essuyé avec un stoïcisme que même Zgavier admira, le déluge de remerciements qu'exprima Himp dans un shémite aussi sincère qu'approximatif, le fonctionnaire s'éloigna, sa haute stature se fondant rapidement dans le flot de scribes. Les deux frères gravirent la volée de marches et s'arrêtèrent devant la porte d'entrée. Le conquérant s'impatienta :
    « Au nom de Crom, quand donc vas tu te décider à passer à l'action? La saison de la chasse aux grizzlis ne va pas tarder, alors si l'on pouvait sauver le monde rapidement, cela m'arrangerait ! »
    Himp, dans un mouvement d'humeur désigna le petit écriteau à l’austérité toute administrative qu'il s'appliquait à déchiffrer.
    « Je n'apprécie pas plus que toi d'être éloigné de ma chère bibliothèque, mais, afin de mener notre quête, nous devons nous conformer aux us et coutumes de cette étrange cité... »
    Chassant la mèche blonde qui s'entêtait à masquer ses yeux plissés, Himp annonça.
    «A l'attention de nos estimés visiteurs... Pour le confort de tous... Nous vous prions de déposer vos armes, potions ainsi que vos poussettes et parapluies au vestiaire dédié à cet effet »
    Dans un grognement,
    « Laisser mon épée au vestiaire ? Et pourquoi pas me promener en pagne tant qu'on y est ? »,
    Zgavier poussa la porte sombre dépourvu du moindre ornement. Les locaux de l'Office étaient d'un dépouillement à la fois fonctionnel et parfaitement déprimant. Les murs de terre battue n'étaient ornées que des incantations utilitaires destinées aux usagers désireux de rencontrer un conseiller ou de déposer un dossier. Himp se dirigea vers l'autel de pierre qui trônait au centre de la vaste salle. Un scribe, l'air aussi facétieux qu'un vautour affamé suivant un chameau agonisant, darda son regard le plus professionnel en direction du prêtre de Mitra. Bafouillant, Himp exposa sa requête. L'Aquilonien eut le temps de voir défiler la plus grande partie de ses récentes humiliations avant que le fonctionnaire ne daigne briser le silence dédaigneux dans lequel la demande de Himp l'avait plongé. Sans un regard pour le prêtre, le scribe tendit un papyrus au prêtre.
    « Veuillez inscrire vos noms, origine, qualité et aliments préférés... »
    Enfin ! Les démarches afin de récupérer l'anticythère commençaient pour de bon ! Le cœur de Himp battait la chamade quand il rendit cérémonieusement le papyrus dûment rempli. Le scribe, visiblement passionné par les trois lignes griffonnées à la hâte par Himp se plongea pendant un long moment dans la contemplation de l'écriture alambiquée du prêtre. A l'instant où Zgavier se décidait à vérifier que le fonctionnaire n'était pas victime d'un envoûtement, l'homme farfouilla parmi ses tablettes et, sans accorder le moindre regard à Himp tendit dans un mouvement autoritaire une tablette d'argile à Zgavier.
    « Votre requête est enregistré sous le matricule Alep-Iota. L'objet de celle-ci étant classé au rang des Souhaits Sacrés Niveau 2, un homme de foi n'est pas en mesure de la présenter, conformément aux dispositions l'article Bêta du Grand Livre d’Accomplissement des Requête. Toutefois, en votre qualité de Conquérant, vous êtes habilité à réaliser les démarches nécessaires. »
    A la manière de ces poissons que les pêcheurs du lac de Tesso présentent sur leurs étals, Himp, de façon fort involontaire ne pouvait s’empêcher d'ouvrir et de fermer la bouche sans qu'aucun son ne parvienne à sortir de son gosier. Zgavier, constatant l'indisponibilité temporaire des facultés intellectuelles de son frère poussa ce dernier sur le côté et adressa un regard interrogateur au scribe. Ce dernier soupira.
    « Bien évidemment, vous n'avez rien saisi des consignes que je viens de vous exposer... C'est bien le problème de l'article Bêta du GLAR... en laissant de côté les érudits, nous sommes contraints de ne traiter qu'avec des usagers ayant privilégié l’éducation des armes au détriment des arts magique et divinatoires... »
    Le conquérant adressa un sourire aussi éclatant que forcé au fonctionnaire qui se passait la main sur la figure d'un air las.
    « De vous à moi, je suis certain que je récupérerai cet anticythère plus vite sans mon frère accroché à mes basques ! Alors, où dois-je me rendre ? »
    Le teint cireux, le fonctionnaire se résigna à se placer à un niveau de langage compréhensible pour le conquérant. Accompagnant ses propos d'une pantomime qui le laissa exsangue, le scribe formula ses ultimes recommandations.
    « Toi... Te rendre au Bureau Omicron-lapis avec tablette... »
    Zgavier se tourna vers son frère qui le contemplait d'un air outragé.
    « Mon vieux Himp... j'ai bien l'impression que nos chemins vont se séparer quelques temps... Je suis sûr que je ne serai pas long à récupérer notre antocythère! Et puis arrête de me regarder comme si c'était moi qui avait pondu ce règlement stupide ! Quand je songe à toutes les tavernes que tu vas pouvoir visiter... Ma gorge se serre... Le vin de l'échevin est déjà bien loin... »
    Himp, après avoir fait moultes recommandations à son frère qui ne les écoutait que d'une oreille distraite, consentit à laisser partir Zgavier à l'assaut du bureau Omicron-lapis, armé de sa tablette.
    Désœuvré, désemparé, le prêtre quitta l'office et contempla la marée humaine qui défilait inlassablement dans les rues.
    La ballade de Himp

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  4. #4

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    -CHAPITRE IX-

    Les brûlures que le soleil de Tortage avait infligées à Himp n’était rien, en comparaison de la honte cuisante que venaient de lui infliger le fonctionnaire de l’O.S.S.. Mais qui donc était ce petit scribouillard pour méconnaître à ce point la qualité et les hautes compétences du fils de Mervalène ? Himp leva les yeux au ciel.
    « Pff... Je pourrai m’armer de rétorque et contester cette décision aussi bien arbitraire qu’illégitime... Quoique, ces pauvres bougres sont les premiers punis... Devoir faire affaire à mon butor de frère est une punition bien suffisante... »
    Himp, tout penaud se blottit dans un angle de rue afin d’éviter autant que possible le flux incessant des fonctionnaires qui commençait à se tarir au fur et à mesure que le soleil déclinait.
    « Et moi, dans tout ça, que vais-je bien pouvoir faire ? »
    Le cœur un peu lourd d’avoir été évincé à ce stade de la quête qui menait aux antictythères, Himp sentit le poids de la mélancolie se poser sur son épaule à la manière d’une corneille familière un peu trop grasse. Les pas hasardeux du prêtre se coulèrent sur le rythme de ses pensées.
    « Il n’y a pas si longtemps, je faisais partie d’un groupe…Malgré nos divergences, nous étions tous unis face à l’océan et ses périls... Las ! Les éléments nous ont durement châtiés ! Mitra soit loué, mon frère et moi avons survécu, mais nos malheureux compagnons n’ont pas eu cette chance... Colchghor mon ami ! Quand je songe à ton trépas ! Tu as passé les derniers instants de ta vie seul plongé dans l’obscurité glacée du ventre de la mer ! »
    Ainsi que l’on peut le constater, le caractère de Himp n’était pas enclin à l’optimisme le plus débridé. Qui, de sa mélancolie ou de sa déception poussa Himp à franchir les portes de première taverne venue. ? Nul ne le sait, et, à dire vrai, ce détail ne présente absolument aucune espèce d’intérêt. Quoi qu’il en soit, le jeune prêtre entra en prenant une contenance laquelle, il l’espérait, ressemblait à la mâle assurance de l’intrépide aventurier. Himp se coula en direction du comptoir. Les lumières tremblotantes des chandelles de suif éclairaient par intermittence des visages qui semblaient provenir de toutes les contrées d’Hyboria. En revanche, les scribes de Shumir brillaient par leur absence.
    « Pff... Ces fonctionnaires... Ça ne sait décidément pas vivre. À moins que la légende soit vraie et que leur misérable travail de gratte-papier ne leur rapporte pas même de quoi s’offrir une bonne lampée ! »
    Affermissant sa voix, le prêtre commanda un lait de chèvre. Soit, sa pratique de la langue locale était aussi rouillée que la première épée de Zgavier, soit le tavernier estimait que l’état de Himp nécessitait un breuvage plus corsé. Car, d’autorité, le colosse à la peau cuivrée lui tendit une chope de « ale des licornes à cinq pattes ».
    Les yeux gris et myopes de Himp ne cherchèrent pas à soutenir le regard d’onyx du tenancier qui l’invitait d’un sourire carnassier à vider son verre. Il fallait croire que le jeune homme blond avait gagné le cœur du tavernier, car ce dernier, n’attendant pas que Himp finisse son verre le resservit d’office, balayant d’un geste de sa poigne les balbutiements décousus du prêtre. Le brouhaha des conversations ajouté à l'effet engourdissant du breuvage acheva de plonger Himp dans une bienheureuse torpeur.
    Cela faisait depuis un bon bout de temps que le sombre oiseau de la mélancolie s’était envolé, poussant des cris désolants de protestation que le prêtre avait pris garde de ne pas écouter.
    « Oups… Il me semble que votre boisson a achevé son séjour dans mon organisme... Auriez-vous des lieux d’aisance, je vous prie ? … Hein ? Mais pourquoi vous me présentez une assiette d’yeux farcis ? Je n’ai pas faim, j’ai besoin d’aller aux latrines ! »
    Afin de conserver intacte sa dignité, la pantomime à laquelle se livra Himp afin d’expliquer l’objet de sa requête ne sera pas exposée ici. Mais, celle-ci s’avéra efficace et permit au jeune homme chancelant de s’orienter avec plus ou moins de bonheur vers les lieux de délivrance.
    Une fois soulagé, Himp traversa d’un pas bien plus nonchalant la salle adjacente au comptoir.
    Il contempla d’un œil légèrement réprobateur et très appuyé les jeunes courtisanes qui s’affairaient autour des clients affalés sur des coussins de soie ornés de couleurs vives.
    « Par Mitra, mais ces gourgandines sont vêtues de façon fort impudique ! On peut distinguer bien plus que leurs chevilles ! Ce spectacle est indigne de moi ! »
    Un concert de gloussement en provenance d’une alcôve attira l’attention de Himp. Se sentant l’âme d’un missionnaire, le valeureux prêtre s'avança d’un pas décidé vers l’homme de mauvaise vie qui n’attendait que les sages conseils d'un prêtre pour s’orienter vers le chemin sacré de la lumière de Mitra.
    « Mon frère ! relève-toi de ta couche de luxure ! Rappelle-toi que Mitra a fait de toi un être de lumière ! »
    L’enchevêtrement des membres arrondis des serveuses était tel qu’il était impossible de deviner d’où provint la voix d’orage qui gronda .
    « Par Vendhyii ! Et depuis quand le repos d’un honnête guerrier est-il un sacrilège ? Tu as de la chance, moinillon, que je sois trop occupé à peloter ces catins, sinon... »
    Himp, l'esprit embrumé, ne prêta aucune attention à la suite du discours tant les termes, assez désobligeants à son encontre avaient surtout pour objectif de déclencher les ricanements des gourgandines. Certes les mots n'étaient pas flatteurs à l'égard de ces jeunes femmes qui gagnaient leur vie comme elles me pouvaient. Cependant la façon assez ostensible qu'elles avaient d'exposer leurs épaules et même plus, manquaient décidément trop de dignité aux yeux de Himp. Le prêtre suivait avec attention les modulations de cette voix rageuse, à l'accent Afghulien prononcé qui le menait tout droit vers le souvenir d'une certaine galère.
    « Colchghor ! Par Mitra est-ce bien toi ? »
    Sous l'entassement de corps féminin, après un long silence, la voix de tonnerre s'éleva :
    « Qui, par des sorcières de Khurum, es-tu pour connaître mon véritable nom ? »
    Sous l'effet combiné de l'alcool et de l'émotion, le regard Himp s'embua .
    « Colchghor ! Cher compagnon d'infortune ! Croyez résident des enfers te voilà face à moi, couvert de jeunes personnes, mais bien vivant ! Mitra soit loué ! Je… haaa!! »
    « Je ne connais qu'un seul être au monde capable de parler de la sorte que ce soit sur une galère dans un lupanar! Himp ! Je ne pensais jamais entendre tes discours de ma vie ! »
    Colchghor avait rejeté sans ménagement les courtisanes et serrait désormais contre son cœur un Himp ravi d'avoir retrouvé un ami, mais terrifié à l'idée d'être broyé par l'étreinte aussi amicale que puissante de Colchghor. Sans un regard pour les jeunes femmes qui contemplaient avec regret le départ du barbare qu'elles n'avaient pas eu le temps de délester de tout son or. Colchghor se dirigea en compagnie de Himp en direction du comptoir.
    « Cher Himp ! Il nous faut une infusion autrement plus puissante que le sirop que ces braves filles s'échinaient à me faire ingurgiter ! »
    Le prêtre se percha sur un tabouret avec suffisamment d'adresse pour ne renverser que trois chopes et ne donner qu'un seul coup de coude à son infortuné voisin de beuverie. (L'absence de réaction de ce dernier s'expliquait par le fait qu'ayant quitté son Office plus tôt, le malheureux gratte-papier avait surpris chez lui son épouse tendrement enlacée dans les bras du scribe en chef. Le coup porté par Himp n'était, en conséquence, le coup porté par Himp n'était qu'une aimable caresse comparée, au choc que venait de subir le scribe). Colchghor tendit une chope au prêtre.
    « À nos retrouvailles et à ceux qui auraient dû être à nos côtés! Dis-moi, je ne vois pas ton petit frère ? Sa frêle constitution l'aura certainement fait échouer à l'épreuve finale de nage forcée ? »
    À la pensée de Zgavier, frayant avec les éminences de l'O.S.S., la bouche de Himp se tordit en un rictus amer.
    « Par Crom ! Mille excuses, je ne voulais pas manquer de respect à ton chagrin. »
    Face au visage désolé de l'Afghulien, Himp n'eut pas d'autre choix que d'exposer comment sa quête valeureuse, s'était, pour ainsi dire mise en pause et ce d'une façon plutôt humiliante pour le petit prêtre. L'hilarité du barbare fut à l'image de son physique : florissante et puissante.
    « Ils ont un sacré sens de l'humour ces scribes ! Par Crom ! Je souhaite bien du plaisir à Zgavier ! »
    Le prêtre fit la moue. Il était temps d'aborder un sujet qui serait moins douloureux pour son ego meurtri. Regardant attentivement les cheveux soignés du barbare, les incrustations d'or de sa ceinture, Himp demanda :
    « Et toi, chez Colchghor, Il me semble que tu t'en es bien sorti depuis notre rencontre... Je serai curieux de connaître le détail de tes péripéties... »
    Éteignant subitement son sourire éclatant, Colchghor se rembrunit.
    « Par Vendhyii ! Je donnerai toutes les richesses d'Ardashir pour pouvoir oublier cette tempête maudite.... J’entends encore les cris de nos compagnons au beau milieu de mes cauchemars... »
    Vidant d'un trait sa chope, le barbare chassa ce qui devait sans nul doute être une poussière incommodément logée sur son cristallin, et reprit.
    « J'ai réussi à m'agripper à un morceau d'épave... L'eau glacée gelait mes doigts, engourdissait mes sens... Mille fois j'ai failli tout lâcher et partager le repos éternel de ceux dont je n'entendais plus les lamentations... Je sombrais alors dans une torpeur glacée dont les rayons du soleil me tirèrent avec difficulté... J'étais alors affalé sur ce qui restait de pont, avec, en guise de compagnie le cadavre déjà puant de cette outre pleine de maître-coq... Ma seule consolation, en cet instant, fut de me dire que plus jamais ce cuistot de malheur ne m'infligerait son infâme ragoût!Après avoir flanqué sa carcasse à l'eau, j'ai repéré la côte, à quelques brasses de mon rafiot... »
    Colchghor agrippa soudain le bras de Himp qui reposa prudemment la chope qu'il comptait porter à ses lèvres.
    « J'ai chialé comme un gosse en pataugeant vers la plage!Mon calvaire prenait fin et j'étais en vie... »
    Le barbare se ressaisit.
    « Par Crom, quand j'y pense, j'ai vraiment eu de la chance...Personne ne m'a vu verser des larmes de fillette ! »
    Himp sourit vaguement.
    « Mais, cela n'a pas été trop éprouvant de traverser seul ces contrées arides? Pour ma part, je crois bien que je ne pourrai plus jamais avaler un morceau de fruit du désert ! »
    Colchghor souleva dédaigneusement un sourcil de jais.
    « Un Afghulien doit en être réduit aux pires extrémités pour manger le repas des chameaux ! Vous autres, Aquiloniens n'entendez décidément rien à la culture du désert! Les sentiers des caravanes ne sont pas sorciers pour qui sait les déchiffrer... Et mes muscles sont toujours les bienvenus quand il s'agit d'escorter une cargaison de marchandises précieuses... »
    Colchghor jeta un regard enamouré en direction de ses biceps surdimensionnés. 
    « Et une fois à Shumir, tu n'imagines pas combien mon physique intelligent eu de succès auprès des matrones! Elles se battent entre elles pour savoir laquelle m'offrira les plus beaux ornements... Bref, je ne me plains pas du tour qu'a pris mon existence ! »
    Himp, masquant sa désapprobation face aux mœurs assez lestes de son compagnon, orienta la conversation vers des rivages plus convenables.
    « Toi qui arpentes les rues de Shumir depuis quelque temps, as-tu entendu parler de la Confrérie... ? »
    Colchghor tritura sa barbiche coquettement taillée.
    « J'ai entendu toutes sortes de choses depuis mon arrivée... Ta Confrérie a-t-elle un rapport avec les disparitions d'enfants que l'on signale depuis. ? »
    Les yeux de Himp n'auraient pu s'écarquiller davantage sans risquer de choir de leurs orbites.
    « Quoi ? »


    - - -

    Zgavier contempla avec un sentiment mêlé d'envie et de revanche la silhouette piteuse de son frère qui rejoignit l'animation de la rue et la promesse de tavernes accueillantes. Le conquérant allait emprunter l'escalier que lui avait désigné le scribe, quand, ce dernier le rappela à l'ordre.
    « Veuillez déposer vos armes et tout autre accessoire au vestiaire assigné à cet effet. Une contremarque vous sera remise en échange, ne l'égarez pas, l'Office ne serait alors pas en mesure de vous restituer vos effets. »
    Stupéfait par ce langage exotique et péremptoire, Zgavier obtempéra, tout en ne se privant pas de marmonner.
    « Par Crom! Depuis quand un conquérant a-t-il besoin d'un morceau de parchemin pour reprendre possession de sa fidèle épée ? »
    Le vestiaire se trouvait en bas d'un escalier sinueux et ressemblait au tombeau funéraire d'un individu qui aurait nourri sa vie durant une passion débordante pour les affichages officiels et les panneaux réglementaire. La torche fumeuse qui contribuait davantage à mettre en valeur les ténèbres plutôt qu'à les repousser crachotait des scories au-dessus d'un comptoir de pierre qui avait tout d'un autel sacrificiel à la seule différence que, généralement, ce type de mobilier n'est pas pourvu d'un registre et d'un boulier. Une voix, semblable au frottement de deux roches l'une contre l'autre s'adressa à Zgavier sans que celui-ci ne puisse distinguer à qui pouvait appartenir cette voix, plus minérale qu'humaine.
    « Veuillez déposer vos
    -armes
    -bagages
    -familiers
    -ustensiles de cuisine
    Sur le plateau prévu à cet effet »
    Le cœur serré, Zgavier jeta un regard désespéré à l'épée qui gisait désormais sur le comptoir. Vif comme l'éclair, un bras squelettique, de la couleur de l'ivoire s'empara de l'arme, et, tout aussi rapidement, déposé une contremarque en os. Le responsable du vestiaire, toujours hors de vue, reprit de cette voix qui semblait concasser des graviers.
    « Ne perdez pas votre contremarque. L'O.S.S. vous souhaite un agréable séjour dans ses locaux. N’oubliez pas de renseigner le parchemin de satisfaction à l'issue de votre visite. »
    Trop estomaqué pour émettre la moindre remarque, Zgavier s'empara de la contremarque qu'il glissa dans sa tunique.
    « Par Crom ! Moi qui trouvais les scribes plutôt étranges.. Ils me paraîtraient presque sympathiques comparé à ce bouffeur de cailloux invisible! Bon... Le gratte-papier m'a indiqué cette direction..Plus vite j'aurai récupéré l'anticiterne, plus vite je pourrai vérifier si les femmes de Shumir sont plus accueillantes que leurs bonshommes ! »
    Le conquérant emprunta un dédale de couloirs et d'escaliers, croisant parfois un visiteur égaré dont le regard fou et les yeux injectés de sang entamaient quelque peu la belle assurance du Cimmérien. Mais il est écrit que Crom veille sur ses enfants les plus valeureux... Zgavier, après une errance relativement brève parvint devant une porte marquée d'un sceau semblable à la tablette que lui avait remis le scribe à l'accueil.
    Avant même que l'épaisse pogne du Conquérant ne s'empare du heurtoir coquettement sculpté sous la forme d'un crâne grimaçant, une voix semblable au murmure d'une tempête de sable s'éleva.
    « Avez-vous pris la peine d'émarger le formulaire Thau-Seth-I avant de vous présenter à nos services ? »
    Zgavier jeta un regard incertain en direction du parchemin qu'il serrait contre sa poitrine, telle une amulette protectrice. À aucun moment, il n'était venu à l'esprit de l'aventureux Cimmérien de porter atteinte graphologiquement à cette relique que l'Administration lui avait confiée.
    « Heu... »
    Il allait donc falloir faire appel à toutes ses capacités de survie en milieu hostile si Zgavier voulait se tirer sain et sauf de l'ambiance mortifère qui régnait dans l'O.S.S.. Dégainant son plus beau sourire, brandissant, tel un glaive lumineux le formulaire, Zgavier soigna son entrée au sein du service. Un léger sentiment de malaise s'entortilla autour de l'estomac du Conquérant lorsque celui-ci, après avoir franchi le seuil se retrouva de nouveau face à une autre porte. Un chuintement sableux au propriétaire invisible l'accueillit.
    « Veuillez prendre place dans le sanctuaire consacré aux Minutes Inutilement Dilapidées , un agent vous convoquera. »
    Ce ne fut pas chose aisée de caser la carcasse imposante du Conquérant sur une des frêles chaises qui composaient, avec une table basse encombrée de papyrus hors d'âge l'unique ornementation de la pièce. Zgavier mit à profit le temps perdu qui lui était imposé pour remplir le plus soigneusement possible son formulaire, confectionner une réplique dans ses moindres détails du château du roi Conan à l'aide des papyrus mis à sa disposition ainsi qu'un dragon approximatif qu'il tenta vainement de faire voler à travers le sanctuaire. Le Conquérant songeait sérieusement à créer une extension au palais, quand la voix constellée de grains de mica et de quartz le héla.
    « Veuillez vous présenter comptoir Nord muni des documents dûment remplis »
    Une lumière d'un vert malsain pulsa alors sur la cloison située en face de Zgavier. De façon presque organique, une ouverture se dessina progressivement. Le Conquérant frissonna, un effet secondaire dû à sa répulsion maladive à l'égard de tout phénomène surnaturel.
    « Par Crom! Ces Shumites cultivent un peu trop à mon goût le sens du dramatique! »
    L'ouverture se referma avec un bruit écœurant accompagné d'une odeur pestilentielle, une fois que le Conquérant l'eut franchie. La pièce aveugle était chichement éclairée par des lampes à huile et comportait trois comptoirs rigoureusement identiques qui semblaient inoccupés. Zgavier gonfla ses larges poumons et expira doucement, ainsi que son maître d'armes lui avait enseigné avant d'affronter un combat d'importance. Les choses sérieuses allaient enfin commencer... et rien, absolument rien dans la vie du jeune homme en l'avait préparé à une telle épreuve.
    « Je suis trop jeune pour succomber à la corruption de l'Administration... »
    Rassemblant son courage, le Conquérant se jeta résolument dans la bataille. Aussi étrange que cela puisse paraître, le comptoir Nord ne se trouvait pas dans la direction que sa dénomination indiquait. En effet, suite à un dégât des eaux, les comptoirs avaient été déménagés et personne ne s'était soucié de rétablir l'ancienne correspondance entre le nom des comptoirs et leur localisation. Le Nord se trouvait désormais à l'Est qui lui même se trouvait au Sud. Nul ne douta que cette logique limpide ne soit partagée par les visiteurs de l'O.S.S.. Après avoir essuyé quelques remarques acides émises par une voix dont les inflexions rappelaient la craie frottée contre un tableau noir, Zgavier parvint devant l'objet de sa visite. Le comptoir, composé d'un bas flanc de bois délavé était orné d'une petite plante du désert aux derniers stades de l'agonie et d'une gravure aux teintes passées représentant un bébé mantis avachi sur une pile de dossiers. L'humour de l'inscription qui y était apposée « Totalement débordé ! » échappa totalement à Zgavier, mais renforça le malaise qui avait élu domicile au creux de son estomac.
    Un roulement de galets retentit.
    « Veuillez présenter votre formulaire. »
    Avec la satisfaction du devoir accompli, Zgavier posa avec fierté le document qu'il avait rempli à la sueur de son front, tout en parvenant à ne pas maculer le précieux sésame... Au milieu des ombres qui régnaient de l'autre côté du comptoir, une silhouette sombre et décharnée se détacha progressivement. Évitant soigneusement la lumière mourante de la lampe à huile, l'étrange et frêle personnage s'avança vers le bas flanc. Un bras aussi maigre et aussi blanc que de l'os s'empara furtivement du document. La créature se réfugia avec un soulagement visible dans les recoins de l'obscurité afin de se repaître des informations que Zgavier avait consignées.
    « Par Crom ! Il est vraiment dommage que mon vieux Himp ne puisse constater ici même les méfaits d'une vie de reclus consacrée à la paperasse ! »
    Soudain, dans la pénombre qui régnait de l'autre côté du bas flanc, deux orbites d'un orange furibond s'allumèrent. Le Conquérant ignorait quelle subtilité administrative avait bien pu lui échapper, mais le crime dont il s'était rendu coupable devait être suffisamment important pour que la créature abandonne ses réserves et se plante avec réprobation sous le nez du Conquérant.
    « Pouvez-vous préciser l'objet de votre requête ? »
    Zgavier rendu muet par l'apparition ne pouvait détacher ses yeux du spectacle aussi cauchemardesque qu'aberrant qui se trouvait face à lui. Certes, le conquérant avait déjà croisé des morts-vivants, créatures damnées dont les chairs putréfiées étaient ramenées à un semblant de vie par des rebouteux impies qui en faisaient leurs esclaves... Jusqu'alors, les rencontres de Zgavier avec ces misérables carcasses momifiées se résumaient à mettre un terme rapide à leur errance malfaisante d'un coup d'épée bien placée. Crom eut fort à faire afin d'insuffler dans le cœur du jeune homme suffisamment de courage afin de lutter contre l'envie irrépressible d'écraser ce qui restait de crâne à la créature à l'aide de la plante en pot posée sur le bas flanc. À la réflexion, celle-ci avait bien meilleure mine que son propriétaire... Les poings serrés par le désir d'éradiquer cette aberration honnie de Mitra et de Crom lui même, Zgavier fit face au mort-vivant. Digne et solennel, le fonctionnaire eut la politesse de faire mine d'ignorer le trouble du Conquérant. Rajustant d'un mouvement plein d’élégance un morceau de cartilage qui manquait de choir de son oreille droite, le mort-vivant racla ce qui lui restait de gorge.
    « Je vous saurai gré de tenir vos distances... L'humidité de votre respiration est susceptible d'engendrer des dommages corporels sur ma personne. Or, je dois des comptes à l'O.S.S. sur la façon dont j'entretiens mon instrument de travail, je veux bien sûr parler de mon corps. »


    A suivre...
    La ballade de Himp

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  5. #5

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    Bien loin de l'atmosphère momifiée et bureaucratique dans laquelle le vaillant Zgavier tentait de survivre, Himp se laissait bercer par une agréable torpeur éthylique. Que Mitra bénisse l'aimable inventeur de ce breuvage qui présentait la faculté divine de réduire à néant les misères de petit prêtre... En toute honnêteté... la Lune pouvait bien disparaître à jamais du ciel nocturne, tant que cela n'affectait pas l'approvisionnement des tavernes, quel individu raisonnable allait s'en soucier ? Colchghor, dont les hauts faits incluaient un talent certain à encaisser les produits les plus corrosifs jamais distillés, posa sa chope d'un air déterminé et entreprit de secouer son compagnon de bordée.
    « Par Vendhyii , mon ami, la quête que tu poursuis ne manque pas de panache... Les catastrophes que tu décris me semblent correspondre avec le fléau qui frappe cette paisible cité. À ce que ces femmes accueillantes m'ont raconté, les premières disparitions d'enfants coïncident avec l'apparition de la Lune Noire... Himp, notre devoir est de tirer cette affaire au clair! Ta quête en sera magnifiée... et quant à moi...J'avoue qu'un peu de prestige ne serait pas de trop pour faire grandir ma côte de popularité envers ces dames... »
    Ouvrant et fermant un poing monstrueux qui avait déjà assommé d'un seul coup un fou furieux, Colchghor se perdit dans une brève rêverie.
    « À toi, je peux l'avouer. Il est une patricienne dans le quartier sud. Je ne l'ai jamais croisée que furtivement. Mais son image me poursuit sans que la belle ne daigne m'adresser un regard... »
    Colchghor lança un regard plein d'espoir à un Himp en prises avec les prémisses de ce qui s'annonçait comme la plus belle céphalée de sa chaste existence. Le prêtre émit un vague borborygme qui sembla convenir au barbare.
    « Je savais que je pouvais me livrer sans crainte auprès de toi ! Tope là, vieux frère ! Ensemble, allons pourfendre la malédiction qui frappe Shumir pour ensuite conquérir le cœur des patriciennes les plus sauvages ! »
    Sans ménagement, l'Afghulien poussa le prêtre chancelant en direction de la sortie . Les rues de la ville, malgré l'heure tardive étaient illuminées comme en plein jour. De puissantes torches fichées à chaque angle faisaient battre en retraite des ténèbres totalement intimidées par l'atmosphère laborieuse qui régnaient dans la cité administrative, bien que le soleil se soit couché depuis des heures. Évitant habilement un Himp à la démarche chaloupée, les scribes poursuivaient infatigablement leurs périples professionnels. Sans même leur jeter un regard, Colchghor, entraînant Himp dans son sillage s'enfonça dans un dédale de ruelles moins fréquenté qui les mena aux pieds des remparts de Shumir. Himp avale une grande goulée d'air nocturne. Se secouant de sa torpeur, le prêtre regarda autour de lui.
    « Cher Colchghor... J'ai eu tout le loisir de reconsidérer ta requête et... ne crois tu pas que nos esprits échauffés par l'ambiance explosive de cette taverne ne se soient pas emballés ? Ma présence ici n'a pour seul objet la remise de l'anticythère que les Murmures Condamnés conservent ici même... Je suis persuadé qu'une cité aussi bien organisée que celle-ci saura se débrouiller sans notre aide ! Et puis, sache Colchghor, que Mère m'a toujours appris qu'il était de la plus grande incorrection de se mêler des affaires des autres... À plus forte raison quand celles-ci représentent un danger pour ma personne... »
    Himp aurait bien continué à palabrer de la sorte une partie de la nuit, mais sa gorge refusa d'émettre le moindre son dès lors que Colchghor appuya son coutelas entre les côtes de Himp.
    « Par Vendhyii ! Ta langue n'est elle donc jamais fatiguée de s'agiter en pure perte dans la grotte d'inepties qui te tient lieu de bouche ? Si je t'ai amené dans ce coin désert, ce n'est pas pour te jouer une sérénade en contemplant les étoiles illuminer les dunes de sable ! »
    Colchghor se baissa et passa ses larges mains sur le sol, dégageant peu à peu de la poussière une trappe aux charnières rongées par la rouille.
    « Sache que cette ville a connu de nombreuses existences au cours de sa longue histoire... Et que Shumir n'a pas toujours présenté un visage aussi respectable à ceux qui avaient le malheur de s'y aventurer... »
    Les puissants muscles de l'Afghulien eurent rapidement raison des vantaux de la trappe qui s'ouvrit en grinçant. Se frottant d'un air rancunier la trachée, Himp ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil à l'ouverture que venait de dégager Colchghor. À la lumière des étoiles, un carré aussi sombre que le cœur d'un disciple de Seth éventrait le sable argenté. Un souffle glacé et fétide, aussi incongru dans cette nuit douce et odorante qu'un furoncle sur la croupe de la plus belle des courtisanes fit chanceler le prêtre.
    « Par Mitra... j'ai l'impression que tu viens de forcer un démon séculaire à ouvrir grand les mâchoires afin de nous avaler... »
    Colchghor, qui ne semblait pas le moins du monde gêné par les émanations impies qui provenaient des entrailles de Shumir s'employait à façonner de ces torches artisanales que tout bon aventurier digne de ce nom se doit de savoir réaliser, s'il veut avoir une chance de survivre au prochain tournant du labyrinthe qu'il ne manquera pas de visiter.
    « Petit prêtre, rassure-toi, l'une de mes conquêtes s'est amusé à me tracer le plan du réseau des sous terrains de Shumir.. À la vérité, ce que nous allons y découvrir risque d'être fort décevant. Des virages à angle droit, une absence totale de piège, selon ses dires... Cela ne m'étonnerait pas que ces idiots n'aient pas installé des panneaux de direction ainsi que des pancartes présentant les sites remarquables du parcours... Par Vendhyii !Une telle absence de piquant me sape le moral... Heureusement que la vie d'enfants est en jeu... Cela donnera à notre épopée la touche de noblesse qui fera défaillir les patriciennes de cette fichue ville... »
    Puis, aussi souple qu'un léopard, Colchghor se glissa dans l'ouverture, se fondant silencieusement dans la nuit. Malgré la nausée qui étreignait d'une poigne de fer ses entrailles, Himp se glissa à la suite de l'Afghulien et atterrit dans un des boyaux qui parcouraient le sous-sol de la cité. La trappe se referma derrière eux avec un bruit sec et définitif qui n'en finit pas de résonner aux oreilles de Himp. Il n'y avait désormais plus d'autre alternative, le prêtre et le barbare étaient désormais condamnés à avancer, leurs pas chichement éclairés par la lueur éthique de leurs torches résineuses. Il avancèrent silencieusement dans un couloir largement aménagé, aux parois creusées directement dans la pierre rouge qui tenait lieu de fondation à la cité des sables. Pour l'heure, les lieux étaient tels que les avait décrits l'amante de Colchghor : fonctionnels et dénués de tout artifice mal intentionné à l'égard de visiteurs trop curieux. Mais,malgré cette banalité apparente qui désolait tant l'Afghulien, une partie de l'esprit de Himp beuglait sans discontinuer des messages d'alertes plutôt inquiétants.
    « Ça pue la malfaisance et les sortilèges antiques à plein nez ici ! On s'est jeté nous même dans la gueule du monstre! Comme ça, sans hésiter ! Pour un peu on va le remercier d'avoir l'obligeance de bien vouloir nous dévorer ! »
    Le prêtre, prenant bien soin d'étouffer sa petite voix intérieure qui devenait par trop hystérique, tenta de s'intéresser au but de leur expédition.
    « Colchghor, sais-tu au moins où tu nous entraînes ? Quelle certitude as-tu que la raison des enlèvements d'enfants se trouve ici, dans les entrailles du désert ? »
    Le barbare haussa ses épaules surdimensionnées.
    « J'ai toujours cru, à l'instar de l'ensemble d'Hyboria que Shumir n'était rien d'autre que le centre névralgique administratif de cette contrée... Mais, à côtoyer les habitantes de cette cité d'apparence si convenable, j'ai appris que la réalité était bien différente, et que rien ne se faisait en surface qui ne soit décidé ici, dans les bas fonds... »
    Les murs ocre déformaient en silhouettes monstrueuses les ombres du fier Afghulien et de l'Aquilonien apeuré.
    Colchghor ouvrait la marche, consultant à intervalle régulier son plan. Malgré le concert assourdissant de ses sens beuglant de panique,Himp nota l'exaspération qui s'emparait de son compagnon de voyage.
    « Mon ami, es-tu sûr du document qui t'a été communiqué ? Je ne vois rien dans ces couloirs dépourvus de malice quoique ce soit qui ressemble à une quête... »
    Le barbare darda ses yeux brûlants en direction de Himp.
    « Sache, petit prêtre, que Colchghor ne se trompe jamais de cible! Si nous n'avons rien déniché, c'est sans doute parce que tu n'as pas assez ouvert les yeux ! »
    Brandissant fièrement son plan, Colchghor reprit sa marche, marmonnant entre ses dents serrées
    « Voilà ce que les prêtres de Mitra gagnent à fréquenter les débits de boisson... C'est pathétique... »
    Planté tel un piquet au toupet blond, Himp, les joues brûlantes contempla avec rancune le large dos de Colchghor.
    « Comment peux tu être aussi injuste ! Je n'ai bu qu'une pinte ! Et encore j'en ai renversé la moitié ! »
    Les pas de Colchghor s'éloignaient, imperturbables. Himp se résigna à faire demi-tour. La perspective de retrouver la douce brise nocturne de Shumir souriait de plus en plus franchement au prêtre. Élevant franchement sa torche, Himp entreprit le chemin du retour. Mais il était décidé que le jeune Aquilonien ne contemplerait pas les étoiles de sitôt.
    « Par Mitra ! »
    Sans trop comprendre ce qui venait de lui arriver, Himp venait de choir lourdement. Le nez dans le sable, l'amour-propre totalement froissé, Himp considéra avec désespoir la torche qui venait de rouler à terre et dont un courant d'air sous terrain mettait à mal la faible lueur fuligineuse. Le pas souple et rapide de Colchghor fit résonner les couloirs. S'agenouillant auprès de son compagnon, le barbare administra une grande claque dans le dos du prêtre qui se relevait tant bien que mal.
    « Par Vendhyii, je retire ce que j'ai dit! Himp , grâce à toi, notre quête peut enfin commencer ! »
    L'Aquilonien encore un peu sonné par sa rencontre brutale avec le sol, regarda d'un air interdit Colchghor qui, un genou en terre passait sa large main au-dessus du sol.
    « J'ai sans doute perdu quelques pièces de monnaie en tombant..Mais je t'en prie,ne prends pas la peine de les rechercher... »
    Mais le barbare, imperturbable, poursuivait son examen méthodique du sol.
    « Écarte-toi, Himp ! »
    S'exécutant aussi rapidement du barbare totalement exalté, Himp tâcha de se faire tout petit.
    Se blottissant dans une niche de la paroi, le prêtre passa machinalement sa main le long des aspérités sableuses.
    « Ce Colchghor me semble souffrir d'un certain déséquilibre psychique... Je vais patienter encore un peu et lui signifier mon désir de regagner la surface... Tiens? Quelle est donc cette étrange molette métallique fichée dans le mur? Que se passerait-il si j'appuyais dessus ? »
    Dans un grondement sourd, une partie du sol se déroba aux yeux des aventuriers. Colchghor, dont les réflexes félins lui valurent de ne pas chuter à l'exemple du malheureux quinquet de Himp tentait de juger de la profondeur de l'ouverture béante d'où émanaient des remugles humides de moisissure et de sortilèges antiques.
    « Vendhiiy nous comble de ses bienfaits ! »
    Himp ne put s'empêcher d'élever un sourcil interrogateur.
    « Personnellement, il ne me serait jamais venu à l'esprit de qualifier ce cloaque puant de bienfait, mais il est vrai que j'ignore beaucoup de choses de la culture Afghulienne... »
    Au grand effroi de Himp, Colchghor commençait à entreprendre de descendre.
    « Point n'est besoin d'entreprendre d'escalade périlleuse ! Il suffit juste de gravir un escalier!Décidément, cette expédition est indigne de moi ! »
    À la lueur de l'unique torche brandie par Colchghor, Himp se résigna à descendre également. Si l'atmosphère des tunnels précédents n'avait pas eu l'heur de plaire au jeune prêtre, l'ambiance qui régnait désormais dans le sombre escalier était pire encore. Les murs de pierre exsudaient un écoeurant lichen noirâtre et poisseux. Au fur et à mesure du périple,Une odeur de décomposition emplit de plus en plus fort les narines délicates de l'Aquilonien. Considérant avec une appréhension bien légitime l'état des marches qui se délabraient au fur et à mesure de la descente,Himp chevrota :
    « Colchghor, parviens-tu à déterminer le terme de notre descente ? L'étroitesse des lieux aurait tendance à me rendre nerveux.. »
    Le Barbare ne prit pas la peine de tourner sa figure cuivrée.
    « À deux pas devant moi, je ne distingue plus que les chimères qu'abrite l'obscurité. Ne t'inquiète pas, tu as tout le temps de profiter de la balade... J'ai jeté tout à l'heure une pièce de monnaie... Et le néant l'a avalé sans que je perçoive le bruit de sa chute.. 
    Mitra seul sait combien de temps cette descente dura... Au moment où Himp parvenait à la conclusion que leurs pas les menaient directement aux royaumes infernaux nichés au creux des entrailles de la Terre, Colchghor annonça avec des accents de triomphe.
    « C'en est fini de cet escalier vicieux et de ses marches aussi pourries que les chicots de ma grand-mère ! »
    Himp, la démarche raide et affligée de la plus monstrueuse envie d'uriner qu'il n’ait jamais subie depuis ses tendres années, sous prétexte d'aller chercher sa torche, s'éloigna afin de se soulager avec la discrétion que ce délicat exercice nécessitait. (Ce fait, porté à la connaissance de Colchghor, aurait certainement suscité la stupéfaction du barbare dont la vessie d'airain ne nécessitait pas un tel luxe de précaution, ce qui soit dit en passant est une qualité inestimable pour un aventurier...). S'enfonçant dans une poche d’obscurité plus sombre que le reste des lieux où ils avaient atterri, Himp, pressé de sacrifier à ses besoins naturels ne prêta pas attention à l'odeur pestilentielle qui semblait s'élever du sol en volutes toxiques. Pas plus aux formes indistinctes que l'unique lueur du lumignon de Colchghor ne parvenait à arracher de leur gangue de nuit. Son envie satisfaite, Himp buta contre un obstacle.
    « Par Mitra! Quel est l'imbécile qui s'amuse à faire traîner des torches à terre ? »
    Confus en identifiant ledit imbécile comme étant lui même, Himp, se saisissant du quinquet, entreprit d'en ranimer la flamme.
    « Je suis curieux de savoir auprès de caillasse je me suis soulagé... »
    Crachotant mille étincelles, les lueurs combinées des deux torches illuminèrent alors une vision cauchemardesque. Trônant en plein milieu d'une immense salle aux voûtes tellement hautes qu'il était impossible de les distinguer, se tenait la plus répugnante statue qu'il n'avait jamais été donné de voir à Himp. La tête simiesque de la gigantesque créature adressait un sourire hérissé de crocs aux deux aventuriers. Ses bras contrefaits ployaient sous un monceau d'objets précieux provenant des 4 coins d'Aquilonie, dont certains étaient réduits à l'état de poussière... À ses pieds, un amoncellement de cadavres étaient représenté, chaque étape du principe de décomposition reproduit avec une fidélité et un soin pervers porté aux détails qui firent froid dans le dos du jeune prêtre peu accoutumé à ce type d'art macabre. Himp et Colchghor levèrent haut leurs torches. Les murs de la salle démesurée étaient recouverts du lichen semblable à celui qui croissait sur l'escalier.
    À première vue, les lieux semblaient abandonnés. Mais, les sens du prêtre réagissaient violemment aux effluves trop marquées pour être anciennes de puissance occulte qui empuantissaient les lieux. Colchghor , qui semblait imperméable aux émanations sacrilèges et qui ne voyait dans la statue qu'un tas de pierres bien mal agencées, s'approcha du butin que le monstre brandissait sous les yeux gourmands du barbare.
    « Par Vendhyii! Ces Shumir sont totalement inconscients de laisser pourrir ainsi d'aussi belles pièces d'orfèvrerie!On ne leur a jamais appris que la moisissure rongeait l'or et ternissait les pierres précieuses ? Je ne connais qu'un seul antidote afin de leur redonner leur éclat..La gorge d'une jolie femme ! »
    Himp, malgré sa répugnance à toucher le lichen spongieux, avait entrepris de mettre à jour ce qui lui semblait être une inscription.
    « Quels étranges glyphes... Cela ressemble à l'ancienne langue des Shémites.. »
    Himp entreprit de traduire les formes serpentines à demi effacées.
    « ... Shumir, sanctuaire de Bel l'astucieux, dieu des voleurs et des filous... Le tribut du sang et de l'or sera versé... A ses enfants escrocs et larrons, Bel offrira opulence et protection »
    Écartant d'un geste coquet une mèche blonde, Himp tordit le nez.
    “Par Mitra! Serait-il possible que Colchghor fût dans le vrai quand il évoquait la légende noire de la création de Shumir ?”
    Le jeune prêtre poursuivit son œuvre de traduction, le cœur de plus en plus serré au fur et à mesure que les mots sombres s'articulaient en un récit placé sous le double signe du sacrifice rituel et de la rapine. Le cri de Colchghor l'arracha à son entreprise.
    “Par les moustaches de ma grand-mère!Voilà que la statue a la bougeotte !”
    Tel un pantin monstrueux, la silhouette de pierre s'animait péniblement, chacun de ses mouvements arrachant des grincements à son mécanisme hors d'âge. Tétanisé, Himp ne quittait pas des yeux la tête démesurée qui se redressait lentement. À sa grande horreur, deux foyers rougeoyants s'embrasèrent au creux des orbites de la représentation de Bel et illuminèrent d'une lueur de sang la totalité de l'immense voûte souterraine.
    Des lettres serpentines aux contours malsains, révélées par l'éclat dément des yeux du Dieu des maraudeurs se mirent à onduler sur les murailles rongées d'humidité. Machinalement, le cerveau de Himp enregistrait les bribes d'informations qui semblaient tournoyer autour de la statue , laquelle avec une lenteur hypnotique entreprenait d'ouvrir une gueule hérissée de crocs démesurés. En dépit du danger, les réflexes d'érudits de Himp se mirent en œuvre et entreprirent la traduction d'un texte qui semblait avoir été rédigé par un esprit dément, tant son contenu ne semblait avoir de sens.
    “Incarnat et Azur unis, fidèles dépositaires du butin sacré du dieu des voleurs, ne sauraient être vaincus autrement que par une malice digne de l'astucieux Bel. Pillard téméraire, use de ta filouterie à bon escient..C'est à cette condition que Bel te reconnaîtra comme étant un de ses plus dignes disciples dans l'art sacré de la subtilisation...”
    Himp gémit.
    "Colchghor, mon ami... Nous nous devons d'agir avec prudence et circonspection..."
    Mais , il plus fallait qu'une une animée et d'étranges inscriptions pour détourner l'Afghulien de son entreprise. Colchghor, traitant par un dédain superbe les velléités de dynamisme du tas de pierres qu'il avait entrepris de gravir, s'empara avec un rugissement de triomphe d'une antique tiare, d'or pur aux pierres précieuses délicatement enchâssées. Un voile de douleur insupportable brouilla alors la vision de Colchghor dont le cri de victoire s'éteignit en un râle affreux. Faisant preuve d'une vivacité soudaine, l'immonde marionnette avait épinglé le colosse Afghulien comme un papillon sur son trident, clouant l'infortuné Colchghor sur le sommet de la pyramide de cadavres qui s'élevait tel un répugnant monument érigé à la gloire de cette antique et démoniaque divinité.
    Le hurlement de douleur de son compagnon arracha Himp à la fascination dans laquelle les orbites incandescentes de Bel l'avaient plongé. Mobilisant ses faibles ressources de bravoure, Himp s'élança de toute la vitesse que ses jambes flageolantes pouvaient se permettre en direction de Colchghor. Combien il fut difficile d'invoquer la présence sereine et bienveillante de Mitra dans cet univers de cauchemar... Mais Himp n'avait pas le choix, Colchghor avait besoin de soins avant tout... Submergé par les ondes apaisantes de la Vague de Vie, le barbare cessa de hurler, sombrant dans un sommeil léthargique.
    “Il ne me reste plus qu'à délivrer ce malheureux et, avec un peu de chance, je parviendrai à lui faire entendre raison... Visiblement, il est des quartiers de Shumir qu'il ne fait pas bon explorer...”
    Dans un bruit assourdissement d'engrenages martyrisés, la face immonde de Bel s'animait de nouveau... La gueule grande ouverte vomissant des fumerolles d'un vert toxique se penchait doucement en direction du corps de Colchghor inconscient. Himp fut saisi d'une sainte indignation face à ce spectacle impie et insensé.
    «Comment ce genre d'horreur peut avoir la prétention de côtoyer un disciple du Seigneur de Lumière ?”
    Visant le gigantesque pantin, Himp le frappa de toute la force que sa répulsion lui inspirait. L'onde de choc générée par la juste colère du prêtre fit légèrement vaciller la statue. L'Aquilonien, encouragé par ces premiers résultats s'apprêtait à porter un second coup,quand une paralysie aussi soudaine que malvenue s'empara de ses membres.
    “Ha, non! C'est pas le moment d'avoir une crampe !”
    Les yeux brûlants de la statue semblaient couver de moquerie le jeune prêtre cloué au sol par les antiques maléfices qui protégeaient le berceau de Bel l'astucieux. Impuissant, le jeune Himp observait avec désespoir la gueule béante se rapprocher insensiblement de Colchghor dont une pâleur mortelle masquait le hâle habituel.
    “Tiens bon, mon ami! Je vais nous tirer de là ! Ta patricienne te tombera dans les bras !”
    Mais ce vieux démon de Bel était resté bien trop longtemps privé de compagnie et de sang. Il n'entendait certainement pas en être privé par les vociférations d'un petit freluquet à la chevelure ridiculement jaune. Le dieu des voleurs avait bien d'autres tours dans son sac et comptait bien s'amuser encore un peu. Alors que Himp redevenait petit à petit maître de ses mouvements, deux immenses colonnes de lumière fusèrent aux côtés de la statue.
    Terrorisé, le jeune prêtre observa les rayons lumineux se solidifier et se matérialiser en deux titans à peine moins monstrueux que Bel leur maître. Dominant l'Aquilonien d'un bon mètre, les deux brutes étaient en tous points semblables, hominidés contrefaits dont les crocs laissaient perler des gouttes funestes de poison. Seule la teinte qui recouvrait d'une lueur malsaine les odieuses apparitions de la pointe de leurs cornes recourbées jusqu'à l'extrémité de leurs ergots acérés permettait de les distinguer l'une de l'autre. Le colosse situé à gauche de Bel présentait une carnation d'un azur malsain alors que la peau squameuse de celui de droite luisait d'un pourpre purulent.
    Les deux créatures s'avancèrent lentement , tendant leurs bras hypertrophiés et simiesques en direction de Himp. Chaque pas faisant trembler le sol et bondir le cœur du petit aquilonien qui se trouvait peu à peu acculé contre la paroi gluante du sanctuaire.
    “Mitra tout puissant! Jamais mon université de Tarantia ne m'a autant manqué! Je serai même heureux d'être chargé des corvées de latrines pendant un mois si seulement cela pouvait nous sortir de ce mauvais pas...”
    Vaillamment, Himp combattit les colosses qui se riaient avec cruauté de l'inefficacité de ses efforts. Il semblait que le puissant Mitra avait abandonné à son triste sort son humble disciple. Himp avait beau tenter d'invoquer les réprimandes et la réprobation du Dieu sur les deux immondes créatures, ces dernières demeuraient imperturbables, poursuivant leur avancée cauchemardesque. Les regards perdus du jeune prêtre se portèrent sur les inscriptions iridescentes qui flottaient devant ses yeux...
    "Incarnat et Azur unis, fidèles dépositaires du butin sacré de Bel ..."
    « Effectivement, l'inscription prend désormais tout son sens... Ce qui m'aurait arrangé, c'est que ce scribe abandonné de Mitra m'indique la marche à suivre pour me débarrasser de mes nouveaux amis et délivrer le malheureux Colchghor... »
    L'étreinte de la statue arracha un cri de souffrance de la part de l'infortuné Afghulien plongé dans des abîmes de souffrance. Fidèle à sa vocation de guérisseur, Himp concentra ce qu'il lui restait d'énergie bienfaisante afin de soulager le les tourments de Colchghor, ignorant le double danger qui s'avançait vers lui. Désormais, Himp se trouvait à deux pas des avatars. La paroi suintante qui se dressait, derrière lui, ôtait tout espoir de retraite. Les lueurs mourantes nées des soins prodigués par le prêtre illuminaient l’intérieur de ce qui ressemblait de plus en plus au tombeau de l'Aquilonien. Les étincelles d'énergie sacrée qui s'accrochaient aux gravures la grotte attirèrent l’œil de jeune prêtre.
    "Use de ta filouterie à bon escient"
    Un juste sentiment de révolte s'empara de Himp.
    "Ces quelques mots ineptes constitueraient donc l'ultime texte que mes yeux seront amenés à contempler avant de sombrer dans les enfers? Par Mitra! aucun érudit digne de ce nom ne pourrait se résoudre à un tel sort!"
    Bousculant les deux colosses qui, entravés par leur taille démesurée, ne surent retenir un Himp qui galopait avec l'agilité du lièvre variable des plaines de Lasheich. Le prêtre parvint à la hauteur de la monstrueuse statue de pierre qui serrait comme dans un étau son compagnon d'infortune. Le regard sévère, l'allure décidée, Himp leva son petit nez froncé en direction du mufle grimaçant de Bel. Sans prêter attention aux immenses silhouettes azur et cramoisies qui avaient péniblement effectué leur demi-tour et se rapprochaient de lui, le petit prêtre tira un objet de sa ceinture.
    "Dieu des voleurs!Que penses-tu d'un larcin que tu ne te serais pas donné la peine de commettre ? Combattre le vol par le vol, n'est-ce pas une malice digne de toi ?”
    Himp jeta de toutes ses forces une bourse qui creva entre les yeux de la statue en un ruissellement d'or et d'argent. L'affront ainsi fait éteignit le regard incandescent de la divinité et ses bras désormais inertes laissèrent s'échapper Colchghor, toujours plongé dans l'inconscience. Dans un double mugissement de désespoir et de douleur, les deux serviteurs de Bel disparurent peu à peu, leurs silhouettes rendues plus grotesques encore par les contorsions que la douleur de l'effacement leur infligeait.
    "Mitra soit loué! Colchghor, tes blessures sont nombreuses et douloureuses, mais ne sont ni profondes ni mortelles! Je vais te remettre sur pied, je t'en donne ma parole!"

    A suivre...
    La ballade de Himp

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